ŒDIPE-ROI.
Qui peut raisonnablement s’étonner de l’annonce (faite non pas à Marie mais aux Français) par Ségolène Royal de sa rupture avec François Hollande quand on sait la fonction de la comédie privée dans la rhétorique politique de la gauche et, plus largement, quand on saisit la place centrale de l’Œdipe dans le comportement de l’ex-candidate à la présidence ?
Sartre-Beauvoir, Montand-Signoret, pour ne citer que les binômes les plus emblématiques, cela fait belle lurette que le peuple de gauche, expert en cabotinage spectaculaire, « invente » ces « couples mythiques » dont la charge iconico-politique constitue la base de l’agit-prop révolutionnaire. Sartre « allait voir ailleurs » et Beauvoir le lui rendait bien, mais ces deux-là s’affichaient à deux comme une sorte d’association de bienfaiteurs, couple « libre », « lucide, ouvert… » que des milliers de couples de gauche des années 50-90 cherchèrent à imiter. Aux obsèques de Sartre, je me retrouvais inopinément à côté de « Montand-Signoret incorporated », véritable machine existentialo-engagée ne fonctionnant que pour la galerie, Montand butinant depuis longtemps aux Amériques et Signoret ayant renoncé à la féminité mais on disait toujours, « Montandsignoret » comme on répétait « Sartrebeauvoir. Toutefois, l’époque s’étant révélée globalement assez morale, ou faussement morale, ou son amoralisme intime ayant su se cacher sous le masque du « couple libre mais couple quand même », l’usage voulait qu’on restât ensemble, sinon pour le fun du moins pour la galerie. Les temps ont changé : dans un monde de divorcialité ontologique, de familles reconstituées, de Pacs et de mariage gay, l’ambiance est au « divorce en direct », avatar de la peopleisation globale.Dans un monde ou des couples parlent « live » de leurs problèmes de cul à des heures de grande écoute, Ségo fait presque figure de carmélite avec l’annonce de sa séparation. Reste que l’information appartient au même ensemble de comportement : l’instrumentalisation idéologique de l’intime. Il est vrai que, là comme ailleurs, Mitterrand fut un précurseur qui parvint à préserver le capital idéologico-moral de la gauche « libérée » (Mazarine) tout en se faisant enterrer à Notre-Dame en présence de l’ex-première dame et de l’ex-maîtresse sous le regard humide des Français, décidément nostalgiques - Mitterrand l'avait d'ailleurs fort bien compris- de Reims et de Saint-Denis. En divorçant en direct, Ségolène Royal s’inscrit dans cette culture de l’exhibitionnisme politique et opère une révolution (la seule au demeurant) : passer de l’instrumentalisation des faux-vrais couples à celle des vrais faux-couples. Mais elle va bien plus loin ou, pour mieux dire, ses histoires de fesses ressortissent d’une ambition plus originale quoique très "tendance": mener une carrière politique à partir d’un oedipe non résolu ou, si l’on préfère, comment tout un destin politique s’explique in fini par une problématique du père.
On connaît l'équation paternelle de Royal- que ne connaît-on pas d’ailleurs d’une ex-candidate se disant attachée à la préservation de la vie privée tout en l’étalant méthodiquement- à partir de ses déclarations : un père sévère, une éducation de type militaire, des souffrances et, à l’évidence, un Œdipe contrarié entraînant chez elle une relation aux hommes visiblement marquée par l’idée de revanche permanente à leur égard, l’amour porté au pair-père de substitution (Mitterrand) puis la mort de ce père morganatique et les débuts d’une ascension en forme de revanche sur les pairs-pères, tandis-que s’étiolait une vie conjugale à l’évidence fondée sur une relation « in vitro » dans l’univers terriblement endogame de l’énarchie. Il vous est alors plus aisé de décrypter la campagne électorale passée : l’éviction « tranquille » de Hollande, prince consort et qu’on sort, le duel quasi-orgasmique (toujours en direct) avec les « éléphants » du PS (je vous épargne par décence ce que cet animal m’évoque en termes phalliques mais, bon, elle en est sortie victorieuse et a su leur couper la... trompe) la relation latente (sinon manifeste) avec un Montebourg (au nom terriblement prédestiné) n’hésitant pas – toujours en direct- à dénoncer la nocivité du compagnon de la candidate auprès de laquelle ce bel Adam faisait assaut de chevalerie, la déclaration intempestive au soir du second tour afin de « castrer » un peu de la victoire de Sarkozy (à ce stade de la démonstration, se référer à la rhétorique de la petite taille chez les socialistes à cours d’argument et que la psychanalyse, ici aussi, éclaire joliment !) pour finir par la prise de pouvoir finale : la mise à mort en forme d’annonce faite à Hollande ! Souvenez-vous : tout avait commencé il y a une quinzaine d’année dans les pages de Paris-Match, quand Ségolène Royal, dans des poses très hamiltoniennes, exhibait son ventre de femme enceinte, puis l’enfant-phallus brandi sous les flashs des photographes. Explication rationnelle : montrer qu’une femme ministre « c’estunefemmmecomme lesautressimpleetprochedesgens » ; explication plus…subliminale : homme et femme en même temps,la maman et la putain, l'amoureuse et l'assassine, Judith et Thérèse de Lisieux. En bref, déjà animée par un "désir d'avenir" incontrôlable elle se préparait à couper, un jour futur, la tête d’Holopherne sous nos yeux incrédules. Nicolas l’a échappé belle mais François n'en a pas réchappé (tiens, aviez-vous remarquer que l'ex-compagnon portait le même prénom que l'ex-père putatif ?) Il y a de quoi perdre la tête. Mais quel talent tout de même !
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