"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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lundi 17 mars 2008

PAR LES ROUTES (JOURNAL DE VOYAGE).



ERASME (Photo O.MILZA de CADENET).
Les yeux de Rembrandt


Anselm Kieffer; "Naglfar".



Séparer, réunir, regarder: quelque-part entre Varsovie, Budapest, Prague et Rotterdam (2005-2006).
Petites notes à propos des identités.


Au Vigado, en 1875, dans la grande salle de style néo-oriental face au Danube,un concert réunissant Liszt et Wagner! Ne pas avoir vécu ce moment là. J'ai la nostalgie d'une époque que je n'ai pas connue. Le soir, je franchis plusieurs fois le Pont des Chaînes, enfant fourbu errant de Pest à Buda et de Buda à Pest dans le dernière ville gréco-romano-ottomano-germano-magyaro-balkanique d'Europe!

A Prague, la belle synagogue de Jérusalem est située en plein centre, entre la gare centrale et la Palais de la municipalité. A Budapest, le quartier Juif occupe une superficie immense au cœur de Pest; venu de Vienne, Otto Wagner y a bâti, dans un style néo-mauresque de facture très "Secession", une des quatre ou cinq grandes synagogues, ruines dont s'échappent en courant les fantômes de ces fillettes brunes rejoignant pour toujours en riant quelque leçon de piano un peu plus haut vers la café "New-York".Universalité juive, cette autre Grèce au siècle XX° que nous avons laissée mourir en ne protégeant pas l'expérience viennoise chère à Stefan Zweig, jeune poète judéo-austro-viennois rencontrant à la Hofburg un Théodore Herzl protégé par la très cacanienne "Neue Freie Presse", non loin de chez Demel, le salon de thé non moins "Kuk" (kaiserlich une königlich) où Joseph Roth rêve d'enterrer tous les cochers transylvaniens dans la crypte des Capucins aux accents, qui sait, de la Cinquième de Mahler, à Prague sous le pont de Pierre immortalisé par Perutz, il me semble apercevoir, descendant depuis la tour Daliborka, un Rodolphe II inquiet et amoureux à la rencontre du rabbin Loew longtemps, longtemps avant que Franz Kafka, ce Juif de Prague en Bohême ne transcrive en allemand ses cauchemars prémonitoires pas très loin somme toute de Theresienstadt et en amont, vers Karlin, la Moldau-Vtlava fait ce joli coude, lente virgule sous le pont Manès en contrebas de la colline du Château...

Comme Sebald, la coupole de la gare centrale de Prague me fascine, aujourd’hui marginalisée par la gare moderne et pour toujours privée de « dîneurs » tardifs attendant un « sleeping » de nuit. Un vague bar, plutôt une sorte de cafeteria le dispute à des boutiques de cartes postales érotiques et d’affaires de toilette bon marché. Un monde perdu, comme celui de mon enfance. Souvenir d’un souvenir : première promenade dans Saint-Petersbourg en 1994 et sur la perspective Nevsky, le grand magasin Gostiny Dvor , sorte de Samaritaine, où les vêtements de femmes sont ceux que portaient ma mère au début des années 1960 !

Pologne (Varsovie) ,palais de Wilanow : Varsovie quant à elle totalement déconnectée de la Vistule, preuve que les Polonais sont plus sensibles à ce qui sépare (séparatisme/nationalisme) qu’à ce qui relie. A Wilanow, Stanislas-Auguste Poniatowski et son palais hésitant entre Renaissance et néo-classicisme comme il hésite entre l’idéal du prince de la Renaissance et celui du monarque absolu, un populisme démago qui n’a même pas le côté dingue et mégalo de Tsarskoïe-Selo ou de Petrodvorets ! Symptomatique : évoquant le rôle de Jean III Sobieski à Vienne face aux Turcs en 1683, ma guide, répondant à une voyageuse se lamentant sur le turc représenté dans le tableau, déclare que sans Sobieski, nous serions toujours sous domination turque !

Les peuples aimeraient qu’on parle d’eux comme ils rêveraient d’être plus que comme ils sont réellement. Les Polonais aiment Chopin comme je n’aime pas que les Russes aiment Pouchkine : l’image un peu étriquée de la « terre natale », mais qu’ont fait véritablement Chopin et Pouchkine pour leurs terres natales, le premier à Paris dans les jupons de G.Sand, l’autre cabotinant dans les salons de Saint-Petersbourg ; tous les deux ont eu la chance de mourir jeunes de manière romantique et les Polonais en particulier prennent cette image réglementaire du patriotisme tragique comme le symbole du sursaut national. Quand je regarde la bigoterie nationaliste polonaise, je mesure mieux le génie assimilationniste des Habsbourg. Les Polonais haïssaient d’autant plus les Juifs que ceux-ci leur renvoyaient l’image de leur propre impuissance, en particulier à fonder ce syncrétisme architectural qui transparait dans toutes les synagogues de la région de Lublin. Dans cette Galicie polonaise, les Juifs ashkénazes sont parvenus à opérer une synthèse culturelle que les Polonais furent incapables d’instaurer ; la haine qu’ils ne pouvaient pas véritablement porter aux Autrichiens, aux Russes et aux Allemands après les partages du XVIII° siècle, ne serait-ce que parce-qu’ils préféraient faire venir des dirigeants étrangers plutôt que de s’entendre entre eux, ils l’ont reporter sur les Juifs. Si les polonais n’ont pas su donner naissance au baroque, ils le doivent au fait qu’ils furent plus bigots que religieux.

L’icône de la Vierge noire de Chestochowa est un détournement de l’icône qui est avant tout un support de méditation et qui n’est ici qu’un médiateur de dévotion pragmatique ; il s’agit moins de spiritualité que de commerce avec Dieu.

Mars 2008.

Je n’aime pas aux Pays-Bas ce mélange de bigoterie protestante et de laxisme edenique ; d’un côté des grappes de familles aisées et sûres d’elles passant devant des façades aisées et sûres d’elles, et un peu partout des niches d’immigrés plus ou moins bien intégrés mais qui font partie de la bonne conscience de ces sociétés. En repassant dans les Flandres, j’ai noté à nouveau ce refus de donner les noms français en même temps que les noms flamands ; ce n’est pas cela le multiethnisme au sens françoisjoséphien du terme, c’est-à-dire la possibilité d’avoir deux voire trois référents culturels, à l’image des Juifs de Prague ou de Vienne ou de Budapest, de culture judéo-hongroise ou judéo-viennoise, ou encore austro-hongroise,etc., le tout cimenté par la culture de langue allemande et au service de diffractions culturelles extrêmement constructives et enrichissantes. On est bien loin du repli identitaire visible un peu partout dans l’Europe d’aujourd’hui et que l’indépendance du Kossovo semble marquer du sceau de l’inéluctable. L’unification par l’ethnisme, c’est le degré zéro du « droit à la différence ». Dans un autre ordre d’idée, on passe de la macdonaldisation à la « kebabisation ». Partie amont, avec la « sinisation » de la restauration rapide, du tri des ordures ménagères dont la partie aval ressortit de la fascination de nos contemporains pour leurs nourritures et leurs déchets.Un peu partout Rome n’est plus dans Rome et l’ethnisme remplace l’universalisme.

Rembrandt a tout vu, même l’éternité. La solitude de Rembrandt avec Saskia, la solitude du viveur et du voyant au milieu des morts-vivants d’Amsterdam.

Rembrandt sensible aux corps, à la décomposition des corps ; Rembrandt par la même dans le temps, à l’intérieur du Temps, dénominateur commun de la quasi-totalité de ses toiles, à commencer par le chemin de croix de ses autoportraits. Dans le temps des corps « pour la mort » et malgré l’Histoire (Rubens), Rembrandt rencontre la temporalité biblique,la sensualité tragique du judaïsme, la judéité qui est temporalité absolue de l’Etre, un rapport total au temps de l’Homme et de l’Histoire, Rembrandt qui fait sourdre la lumière et la vie (!) du corps autopsié de la "Leçon Tulp" tandis que les "vivants" de la "Ronde de nuit" semblent venir du néant et y retourner, Rembrandt, peintre-témoin de cette "insoutenable légèreté de l'être" qu'un autre Pragois, Milan Kundera, opposait à la "Plaisanterie" de l'Histoire...

Sur la place de la Laurenskerk, entourée de buildings, au centre de Rotterdam, la statue d’Erasme, représenté tenant un livre ouvert, plongé dans sa lecture. Que reste-t-il de son message lié d’une certaine façon au geste du lecteur, aujourd’hui que le cycle du livre semble définitivement révolu?

Identités d’emprunt, patchwork de Vivre.

Villes où sont déposées comme des laisses de mer des parcelles de Moi.

A l'image des grands empires,combien de chrysalides m’a-t-il fallu pour naître bien au-delà de ma naissance et en deçà...?








Rembrandt; "Leçon d'anatomie du professeur Tulp", 1632. L'image “http://www.musees-haute-normandie.fr/collections/images/objets/m073486_0001300_v.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.





2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tombé par le hasard le plus absolu sur votre blog- c'est la loi-internet-, je reste stupéfait. Je me dis quelle proximité, disons de parcours et de sensibilité. Sartre, mai 81, j'y étais aussi et le monde parcouru dans tous les sens et Rembrandt dont vous parlez très bien, la mélancolie de l'Europe de l'est... Vous connaissez bien sûr, vous devez connaître, Marai mais surtout Sebald avec Vertiges, Les émigrants, Les anneaux de Saturne, tous chez Actes Sud. Vous connaissez sinon, ruez-vous, c'est pour vous. Bon j'empathise, j'empathise au fur et à mesure que je vous lis: comme vous très, très privilégié, montrant à ma fille toutes les beautés et les cruautés du monde et puis patatras, la haine de ségo,le vote pour sarko; Ah quel dommage! soutenir celui qui affiche: je me sers et servez vous mes amis, nous sommes le pouvoir, les autres n'ont rien à dire, ni à l'assemblée ni allieurs. servons nous.Profitons Oui. dommage, dommage, mais lisez, lisez W. G. Sebald malgré tout.

Olivier Milza de Cadenet a dit…

Je n'aime pas les anonymes, même si j'aime votre texte, jusqu'à Sarko mais, cher lecteur, c'est vous qui soudain, patatras, tombez dans la...haine de Nicolas Sarkozy et pour ce qui me concerne je n'ai pas fait de cadeau au spectacle socialiste et au produit "Royal" mais je n'ai aucune haine pour Ségolène Royal et j'ai perdu toute espérance politique depuis longtemps mais tout en pourfendant plusieurs aspects de sa politique, je ne cache pas une certaine empathie pour cet homme capable, "comme tous les hommes, et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui " (Sartre) du meilleur et du pire et que la gauche aujourd'hui, vulgaire et haineuse comme l'était une certaine droite (extrême surtout) cherche à clouer au pilori. Il est vrai que la droite nous a débarrassé du Front national, alors voici nos antifascistes éternels privés de leur diable favori et cherchant, depuis les élections, à le remplacer...
Je lirai Sebald que je connais un peu et je ne vous en veux pas.
Amicalement.
De Cadenet.