"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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jeudi 8 décembre 2011

LA TYRANNIE DE L'ESPERANCE.

Hans et Sophie Scholl



Jan Palach.


Jan Palach et la secrétaire d'Hitler : la tyrannie de l’espérance.

« Entre Bové (mangeons français, retour à la terre, américanophobie, régionalisme), Mélenchon ( protectionnisme poujadiste), les Verts ( technophobie ruraliste) et depuis peu les "socialistes" ( sinophobie et germanophobie), c'est fou ce que la gauche actuelle rappelle l'extrême-droite de l'entre-deux-guerres! Reste que si Hollande est élu en 2012, il faudra bien collaborer! »

Petit texte « réactif » publié sur mon mur facebook le 8 décembre 2011.


D’aucuns - de sensibilité de gauche je l’imagine bien-se sont étonnés de ne pas trouver, dans ce petit croquis d’humeur, une référence à Sarkozy et à Marine le Pen : l’explication est aisée.

Poser la question de savoir pourquoi je ne parle pas de Sarkozy et de Marine le Pen en ironisant sur les postures poujado-nationalistes des gauches, c'est ignorer que ces postures sont autant -sinon plus dans certains cas- nées à gauche qu'à droite au début du XX° siècle. Hanna Arendt (et bien d'autres) ont montré comment, dès les débuts de la III° République, l'extrême-gauche de l'époque développe, en particulier au moment de l'affaire de Panama en 1889, un antilibéralisme qui s'en prend aux banquiers, et particulièrement à la "finance juive internationale". L'antisémitisme racialiste de l'extrême-droite va alors, et pour longtemps, coexister avec un antisémitisme anticapitaliste de gauche. Au même moment, je rappelle que l'expérience coloniale trouve avec Ferry, et plus largement toute la gauche républicaine, ses meilleurs thuriféraires. A cette époque, la droite nationaliste (Maurras) et la droite libérale s'opposent au colonialisme, jugé financièrement dispendieux et peu rentable. Je rappelle par ailleurs que l'Affaire Dreyfus ne sépare pas droite et gauche, mais "dreyfusards" et "antidreyfusards": chez ces derniers, on trouve Clémenceau et...Jaurès! Faisons un saut temporel: de 1954 à 1958, ce sont des gouvernements de gauche socialistes (et avec l'accord du parti communiste en 1956), qui initient la guerre d'Algérie, car "L'Algérie, c'est la France" (FRANCOIS MITTERRAND, Ministre de l'Intérieur) et l'usage de la torture n'a pas commencé le 13 mai 1958,etc,etc, etc...

Voilà pourquoi je n'aborde pas le cas Marine le Pen, dans la mesure où chacun sait que le Front National a longtemps appartenu à une tradition hyper-nationaliste et xénophobe, au même titre qu'une partie de la droite sociale. Reste que cette dernière, confrontée aux défis contemporains, me semble avoir plus changée que ces gauches frileuses, fossilisées dans une passion idéologisante et qui, que tu le veuilles ou pas retrouvent, face à la crise financière actuelle, de vieux réflexes inconscients. "La France aux Français"? Slogan d'extrême-droite? Non, mot d'ordre du PCF à partir de 1935, quand les communistes, confrontés à la montée de la SFIO, décident de conquérir un électorat plus large en produisant un discours "national". "Fabriquons français", slogan du Front National dans les années 1970? Non, mot d'ordre du PCF choisi pour les même raisons électoralistes. Sur ce sujet, voir MARC LAZAR, "le communisme, une passion française" et, si je peux me permettre, le livre que j'ai publié en 1988 à partir de ma thèse, "Immigration et politique en France".

Mes amis s'interrogent souvent sur mon itinéraire. Ma rupture avec la gauche remonte aux années 1980! Ce fut un long retournement, parfois douloureux, fait de longues lectures, de rencontres, de voyages et, plus que tout, de très longues réflexions et méditations, au terme desquels j'ai fait l'inventaire critique de mes constructions intellectuelles...J'aimais le communisme, son eschatologie, ses chants, son "espoir", son romantisme révolutionnaire...Il a bercé mon enfance et ma jeunesse. Dans le film "La Chute", retraçant les dernières semaines d'Hitler dans son bunker de Berlin, le réalisateur braque le projecteur sur la secrétaire d'Hitler, qui reste à ses côtés jusqu'à la fin, incarnée par une jeune comédienne. Juste avant le générique, il intercale l'interview de la vraie secrétaire, très âgée, retrouvée dans l'Allemagne d'aujourd'hui. Très émue, elle raconte comment elle a pris conscience, 50 ans plus tard, du mensonge atroce qu'elle n’avait pas su déceler dans sa jeunesse: un jour, elle passe devant le monument commémoratif de l'exécution de Hans et Sophie Scholl, jeunes antinazis de 17 ans exécutés en 1943, et réalise qu'elle est née la même année que Sophie mais qu'elle a vécue, à partir de son mensonge, alors que Sophie Scholl n'a pas eu droit à sa vie. Ma Sophie Scholl à moi s'appelait Jan Palach: il s'est immolé par le feu le 16 janvier 1969, pour protester contre l'invasion de son pays (la Tchécoslovaquie) par les troupes soviétiques. Il était juste un peu plus vieux que moi et je ne l'ai réalisé, moi aussi, que plus tard...

Un peu après trente ans, j'ai réalisé que mon enfance "politique" communiste reposait sur un mensonge et la mort de dizaines de millions d'individus au nom de l'édification du socialisme (soviétique, mais aussi chinois ou cubain). Je me suis réveillé, un peu honteux, terriblement marqué. Il y avait deux solutions: continuer à faire perdurer en moi ce mensonge en cherchant désespérément de "bonnes intentions de départ" à partir de "relectures critiques", ou divorcer de ces chimères. J'ai divorcé. Né dans une famille politique qui préférait "avoir tort avec Sartre que raison avec Raymond Aron" (!), j'ai choisi la deuxième partie de cette phrase absurde, mais combien révélatrice. J'ai choisi le libéralisme. Un libéralisme social, me permettant de poursuivre ma fidélité aux miens -mes grands-parents issus du peuple- et le libéralisme politique, tout en en connaissant les erreurs et les limites, mais en privilégiant le regard lucide et droit sur la réalité. J'ai mis ma transcendance ailleurs, dans les forêts, les voyages, la beauté du monde. Accompagner notre monde en tentant de le corriger à échelle humaine: réformer, moderniser, mais sans révolution. Ma génération sait le prix des révolutions: on veut changer le monde, on ne fait qu'enfermer les peuples. Deux lieux -parmi d'autres- m'ont "fondés": Auschwitz et la Kolyma; le terrible "topos" de l'extermination au nom de la lutte contre les ennemis de "race" d'un côté, et celui de l'extermination au nom du combat contre les "ennemis de classe" de l'autre. Anti-communiste et antifasciste, je ne puis être qu'un libéral. Le socialisme français -seul en Europe- n'a jamais fait sa conversion social-démocrate. Inconsciemment, lui et ses amis d'extrême-gauche n'ont pas renoncé à la tentation révolutionnaire. Au pied du mur, son discours reprend les accents du mépris à l'égard de ce qui n'est pas "la gauche". Pour eux, un homme de droite est toujours plus ou moins une erreur...biologique! Dont acte. Je demeure définitivement ailleurs.


On me demande souvent si je ne suis pas déçu ? Etrange question. En m’éloignant définitivement des mythologies de gauche, j’entendais rompre précisément avec cette tradition de ce que j’appellerais, faute de mieux, l’impérialisme de l’Idéologie et un accès presque exclusivement émotionnel à la Politique. Les gauches, pourtant appuyées philosophiquement sur le primat de la Raison – et on sait hélas que cette dictature du rationnel, ce « despotisme de la Liberté » enclenchent les mécanismes totalitaires, de la « volonté générale » de Rousseau à la « dictature du prolétariat » marxiste-léniniste – n’ont jamais cessé de rallier les suffrages en usant de l’affectif, de l’émotionnel, de l’eschatologie. S’estimant les propriétaires ad vitam aeternam du Social (véritable Société anonyme à responsabilité illimitée), de l’humanisme, du Progrès et, plus largement, de la Vérité, appuyée sur un magister intellectuel toujours dominant depuis l’après-guerre, la gauche fonctionne comme une religion séculière. Ne pas être de gauche, c’est être bourgeois, belliciste, nationaliste, élitiste, bref, inhumain. Voter à gauche, depuis un siècle, c’est voter pour l’espoir, la renaissance, un monde nouveau, « changer la vie » ( !)…Mes dieux sont ailleurs. Libéral, je place la politique, comme l’économie, à leurs justes places : des outils, parmi d’autres, de cohésion sociétale. Mes déceptions sont à la mesure de ce recadrage : raisonnables. J’ai déplacé vers l’art, la littérature, les voyages initiatiques, ma part de poésie, de folie, d’irrationnel, réservant désormais à la politique des exercices limités d’admiration. Peu de colère donc, sauf quand il s’agit de dénoncer le mensonge qui sous-tend depuis longtemps l’approche socialiste de type français. Nullement convertie à la social-démocratie, elle reste de façon latente attachée au marxisme, certes recyclé dans le sociologisme « structural » de Bourdieu. Au-delà, je me démarque systématiquement de toutes les pensées révolutionnaires, et des « révolutions » contemporaines dont on sait, presque de faction axiomatique, qu’elles commencent toutes dans les « aubes rouges » et se terminent invariablement dans les crépuscules concentrationnaires. J’en ai fini (dans le seul domaine de l’idéologie bien sûr), avec la tyrannie de l’espérance. Ma façon, 42 ans après sa mort, de rendre hommage à Jan Palach.
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