samedi 25 mai 2013
LA MONDIALISATION DE L"AUTRE".
JEAN GENET
(Pourquoi je manifesterai
dimanche).
Profondément
marqué par la poésie, le théâtre et plus encore les romans de JEAN GENET, ce « pédé »
sublime dont l’œuvre, radicalement autre, procède précisément de sa différence
sexuelle et de l’esthétique, voire de la Politique qu’elle fonde, admirateur de
JEAN COCTEAU, de Jean-Louis BORY ou d’HERVE GUIBERT et, plus proche de nous, de
DOMINIQUE FERNANDEZ ou de FREDERIC MITTERRAND, mon univers onirique littéraire
doit encore aux androginies « fin-de-siècle » des lettres allemandes
et autrichiennes, sans compter la différence radicale qu’instaurent COLETTE ou VIRGINIA WOOLF à partir d’un
saphisme revendiqué haut et fort. C’était le temps –différent- des véritables
différences, c’était le temps, difficile bien sûr, où cette absolue différence
se payait au prix fort du mépris des « braves gens » et des bourgeois
bien-pensants…C’était il y a mille ans !
« Vous avez fait de moi un
pédé et un voleur. Je serai donc un pédé et un voleur » (GENET). Je ne
suis pas sûr qu’à l’avenir une telle phrase puisse être prononcée, et moins
encore pensée. Cela fait quelque temps déjà que la « communauté
homosexuelle » -le terme, en lui-même, témoigne de la conversion d’une
condition intime en organisationnel un peu « popote »-ne scandalise
plus personne, enfermée dans ses quartiers chicos et ses revendications
bourgeoises –mariage avec enfants, ouah ! quelle subversion !-,
attentive à ses avantages sociaux et à ses « protections juridiques »
avec, pour les plus « radicaux », le défilé réglementaire –bientôt classé
je suppose au Patrimoine mondial de l’immatériel entre la corrida et le
Puy-du-Fou- de la Gaypride, petit défoulement festif réduit à un « spectacle
de rue » un peu plus leste que d’autres…
Paradoxalement,
mais le paradoxe n’est qu’apparent, c’est pour protester contre cette
mondialisation, cette marchandisation de l’Autre que je manifesterai dimanche.
Le « mariage pour tous » -l’expression est en elle-même absconse-
procède en effet d’une mondialisation de l’Autre, d’une récupération des
différences, bref, d’un ultra-libéralisme en majesté, aujourd’hui défendu
davantage par une gauche radicale croyant trouver dans la dictature de l’intime
une subversion de l’individu contre les « ploutocraties » quand ces
dernières savent avec talent convertir les différences subversives en
conformismes, que par une droite inquiète de ces consumérismes de l’humain. Il
n’est donc pas étonnant que ces droites-là, étrangement héritières de 68,
reprennent à leur compte les analyses d’un DEBORD et les jette au visage de
gauches mondialistes branchées. C’est en cela que le printemps a changé de
camp.
Je
défilerai encore contre l’eugénisme tranquille de la PMA et de la GPA (le sujet
ne concerne pas d’ailleurs que les homos), pour le droit des enfants contre le « droit
à l’enfant », cette expression digne de l’esclavagisme moderne et de la
réification techno-scientifique annoncée par JUNGER,ARENDT,HEIDEGGER,CANETTI
ou, plus proche de nous, le généticien JACQUES TESTART, je manifesterai contre
la traite des femmes « porteuses » -une expression presque
aérospatiale- et celle des enfants des pays pauvres, décidément destinés à
satisfaire les caprices privés des pays riches –il est étonnant que les « consciences »
d’extrême-gauche n’aient pas relevé cette autre contradiction-je manifesterai
pour la famille naturelle, non comme modèle idéologique ou politico-religieux,
mais comme matrice initiale de la construction des identités, pour le meilleur et pour le pire.
GENET, au
soir de sa vie, écrivit son œuvre majeure, « Un captif amoureux ».
Revisitant encore ses passions intimes –errances érotiques dans la Barcelone
des années 1930, attirance pour la « beauté » des combattants
palestiniens, présentation littéraire de ses derniers amants-il avouait, en une
sublime apothéose, combien comptait pour lui, surtout, la recherche de sa mère,
Gabrielle Genet, qu’il ne connut pas, qui l’abandonna à la clinique Tarnier
sans savoir que de cet abandon, de l’abîme d’un manque absolu pour le petit
Jean, naîtrait cette recherche finale et cette œuvre, radicalement…différente.
C’est peut-être aussi pour défendre cette différence absolue, cette inégalité
fondatrice, que je défilerai dimanche en songeant encore à un autre couple
mère-fils magnifique et tragique, celui d’ALBERT COHEN et de sa mère,
immortalisé dans ce petit chef-d’œuvre bouleversant, « Le livre de ma mère ».
Je songerai à la mienne, qui eut du mal à m’aimer, dont les passions de femme
entrèrent en conflit avec mes constructions d’enfant, mais qui demeure ma mère,
à partir de ses yeux, qui sont les miens, du geste de ses mains, qui est le mien,
de son rire, de la teinte de ses cheveux, de ses colères qui sont miennes
encore, miens et miennes toujours et
pour toujours, ma mère de corps et d’âme en ces terribles épousailles de mère
et d’enfant, depuis Eschyle et Sophocle. Pour le meilleur et pour le pire, c’est-à-dire
l’éternité.
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