Son visage: un mélange d'incrédulité, d'ironie légère et d'angoisse diffuse. Aucune certitude, comme pour tous les êtres irréductiblement "autres". Peut-être d'origine française mais née à New-York: "nounou" charismatique pour des enfants de l'upper middle toute sa vie, peut-être un peu sadique mais elle devait laisser chez tous ces gosses l'image d'une tornade magique; sans doute victime dans sa propre enfance d'une agression majeure, mais de quelle ordre (?). Un beau matin elle plaque les mômes et part photographier le monde, ou bien elle même dans un autre monde, le véritable "Nouveau monde". Deux certitudes: elle meurt seule et pauvre dans le chaudron de la "grosse pomme" et quand on fait l'inventaire de ses chiffons et de ses valises en carton, on trouve 150 000 négatifs et des milliers de tirages. Vivian Maier, inconnue jusqu'à ce jour, devient au fil des jours un des plus grands photographes du XX° siècle.
Le hasard des brocantes a permis à JOHN MALOOF et CHARLIE SISKEL de retrouver les valises et de propulser, à l'issue d'une épopée de reconnaissance, la petite "nounou" au physique d'institutrice anglaise mal nourrie, au rang d'artiste majeure du siècle dernier. Ils retracent, dans un film total où se superposent et s'intriquent le peu que l'on sait de la vie de Vivian, ses rapports avec les gosses devenus des adultes, le lien que tissent Siskel et Maloof avec cette errante les ramenant à leur propre errance, les photos elles-mêmes, biographie de Vivian autant que celle de l'Amérique de la seconde du XX° siècle et cet autre lien, mystérieux, que noue l'artiste avec ses modèles. La souffrance de Vivian, palpable dans ses autoportraits - il y a du Rembrandt chez cette fille à la fois idéaliste et lucide - pénètre dans les plis des lieux et des hommes, les révèlent à eux-mêmes. Cette non-mère qui garda des enfants toute sa vie s'accouche de ses propres fantômes et de ceux de l'Amérique.
"FINDING VIVIAN MAIER", un film de John Maloof et Charlie Siskel
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