"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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samedi 2 août 2008

EN MARCHANT (PHOTO-GRAPHIES).

EN BIRMANIE ( juillet 2008).









LOIN DE MANDALAY.


De Nyaungshwe à Heho, de Heho à Mandalay, de Mandalay à Rangoon, de Rangoon à Bangkok et puis l’avion de France comme un exil à l’envers, ce lent retour, cet arrachement, Tendar soudain qui nous est ôtée, Tendar derrière la vitre muette à Rangoon, nos mains et nos voix soudain vidées de sens, tout ce qui ne fut pas dit, tout ce qui ne fut pas partagé, ou pas assez, le film aux mille images repassant en vitesse accélérée comme on dit qu’il repasse aux derniers moments de la vie, l’anglais de l’aéroport n’est pas l’anglais des petits marchands de Bago, la nuit déjà avant l’aube d’Occident après douze heures en suspens au-dessus des adieux ; me voici loin de Mandalay.

Me voici revenu au pays des robots, Birmanie, me voici dans le monde libre, ses prothèses, son silence, son ennui, me voici de retour chez les courbés, les mauvais, les haineux, les enchaînés joyeux, les travailleurs conscientisés, les droitsdel’hommistes, les progressistes, me voici au milieu des âmes mortes. Comment vais-je vivre sans tes sueurs et ton jasmin, loin des clameurs des gosses, sans tes coulées d’argile rouge contre les calcaires rouillés des pagodes dans l’organdi brumeux de la première mousson de juillet ? Où sont passées les fillettes graciles , leurs pommettes sombres éclairées de deux pochoirs de tanaka, celles en jupe verte et corsage blanc amidonné défilant en riant dans la fournaise de Pagan et celles qui nous suivaient à vélo sur la route à Amarapura pour nous vendre du jade et des boissons glacées ? Et vous les petites moniales de Shwedagon, corolles roses aux visages si graves, vous reverrai-je un jour avec vos mains d’enfant fourbues à force de serrer contre votre cœur ces grands chaudrons noirs pour le premier riz des familles mendié dans le silence de l’aube ?... Vous me manquez déjà jeunes hommes aux toges rouges qui m’interrogiez sur la France en riant et nous avons partagé le coucher du soleil sur l’Irrawady depuis le sommet de la « Montagne de Mandalay », le mont au cent pagodes où des familles entières de petits marchands de souvenirs vivent, et je voudrai revoir ce père dont le visage d’ange berçant un enfant très maigre surgit soudain dans la lueur verte d’un petit brasero, les types qui riaient aux éclats en me voyant marcher en plein midi le long de la muraille rouge du palais royal, plus tard, Tendar en prière à la pagode Mahamuni, Tendar comme les femmes indiennes soucieuse de cacher sa sueur et sa soif, mais où es-tu donc peuple droit et sonore ? Me voici loin de Mandalay.

Car nous sommes libres mais nous sommes muets, nous voyons, mais nous sommes aveugles, nous votons mais nous sommes impuissants ; nous sommes libres de penser mais il n’y a plus rien à penser, libres d’écrire mais nous n’avons rien à dire, libres de circuler, mais il n’y aura bientôt plus rien à voir que des images et des paysages de synthèse pour onanistes démocratiques. Nous voulons ne plus sentir, ne plus souffrir, ne plus grossir, ne plus éprouver. Notre idéal : égalité, parité, uniformité. Nous proclamons le « droit à la différence » mais nous haïssons la différence !

Vous êtes beaucoup moins libres, mais vous êtes vivants ; vous ne votez pas mais vous pensez, vous rêvez, vous éprouvez. Privés souvent par la complexité brutale de l'Histoire asiatique de libertés extérieures, vous avez su développer une vie intérieure profonde et possédez encore ce que nous avons perdu: l'âme collective. A l'image de Inde, vous êtes deux bras tendus vers nous pour nous étreindre, nous sentir, nous aimer. Car vous savez encore aimer, sans limite, sans « théorie de l’amour », sans « hygiène de l’amour », sans cette peur panique des contaminations qui a fait de nous des morts-vivants. J’aime le parfum entêtant des couronnes de jasmin couvrant l’odeur lourde des crémations, j’aime les nudités disgracieuses dispensées de la honte et ces femmes en longyis colorés évitant avec grâce et indifférence les ordures redoutables des chemins, j’aime le chemin difficile de la beauté malgré les disgrâces de la pauvreté, j’aime le bel imaginaire que procure l’urgence, j’aime ce tremblement permanent de la Vie, ce battement de cœur dans les yeux des hommes oui, je t’ai aimé Birmanie comme j’aime mon Inde proche et tous ces Orients pour combien de temps encore vaccinés contre une seule maladie, mais c’est peut-être la plus grave : l’uniformité. Je vis au pays de l'impératif nutritionnel et du tri obsessionnel des ordures, chez un peuple sado-maso revenu au stade anal qui veut tuer l'Homme en lui mais sauver la terre! Je suis très loin de Mandalay.

Je remercie la télévision française pour qui la Birmanie se résume à une junte militaire et à des inondations meurtrières.

Je remercie comme d’habitude les intellectuels de gauche pour qui il n’est de dictature que de droite.

Je remercie une nouvelle fois Ségolène Royal pour sa défense et illustration de la justice chinoise.

Je remercie la Chine et ses jeux olympiques qui attireront vers Pékin des milliers de voyageurs humanistes pour qui le Tibet, un peu comme le Darfour, fait figure de spot humanitaire « tendance », comme on parle d’un spot de surf ou de parapente. D’ailleurs l’avantage avec les régions comme ça, c’est qu’ensuite on peut s’y procurer des enfants à adopter, ce qui autorise l’engagement sans risque et règle en même temps un problème de couple ! Rassurez-vous, le fleuve ne tarira pas : après les Tibétains, la Chine nettoie ethniquement les Ouïgours depuis une dizaine d’années, loin des caméras donc loin des yeux et loin du cœur. Angelina Jolie peut dès à présent faire sa demande de carte de famille nombreuse.

Grâce à tous ces braves gens, nous fûmes seuls en Birmanie, seuls avec un peuple debout qui nous parla sans contraintes de sa vie, de ses désirs, de ses peurs, seuls avec des hommes et des femmes profondément enracinés dans un bouddhisme impressionnant de gravité souriante, seuls à circuler librement partout et accueillis à bras ouverts par des Birmans qui, tous sans exception, nous ont demandé de témoigner de la beauté et de la tranquillité de leur pays, des Birmans qui n’ont pas hésité à nous dire que cette junte, assez médiocre, ne perdurait au pouvoir que parce que eux, Birmans, se montraient finalement trop polis, trop calmes, trop attachés à l’ordre millénaire des monastères, une soumission dont la junte profitait, non seulement bien sûr pour contrôler la population, mais aussi, car les choses sont, comme d’habitude, plus compliquées qu’au JT, pour assurer cette unité nationale dont le maintient demeure la préoccupation de tous les dirigeants depuis 1948, face au risque permanent d’éclatement ethnique dans un pays qui compte de multiples ensembles tribaux (Bamar, Môn, Shan, Karen, Kachin…). Et puis, que voulez-vous, ils sont intelligents les Birmans et ont fort bien compris, au contact du grand voisin chinois, que les révolutions commencées au nom du peuple se terminent en totalitarisme génocidaire. Presque un théorème!

J’ai laissé, comme ceux et celles de mon groupe, une partie de moi chez toi, Birmanie, comme j’avais laissé des parts de moi de Goa à Delhi et de Bombay à Bénarès. Je reviendrai. Nous reviendrons, comme nous l’avons promis aux petits marchands d’Inle et aux moines de Pindaya, aux fillettes aux yeux d’argent de Mingun et à tous les conducteurs de trishaw. Je retournerai boire un verre au bar du Strand Hôtel de Rangoon et salue une nouvelle fois les garçons en longyis indigo et chemises blanches qui, en me tendant avec élégance le « Bangkok Post » et le « New Light of Myanmar », me donnèrent consciemment l’illusion d’être, pour quelques minutes, Joseph Kessel en route pour Mogok, Somerset Maugham attendant une princesse déchue ou bien Kipling sur les traces de Kim... Pour l'heure, je te dédie ces photos, Birmanie, mon regard sur tes regards par lesquels je ne serai jamais trop loin de Mandalay.

Mindala ba !

U OLIVER.







BIRMANIE 2008




































































































































8 commentaires:

Anonyme a dit…

Cudowne , chcialbym zwiedzić Birme :)

Anonyme a dit…

that's really cute..wish i had one too.

Anonyme a dit…

wala pulos imo blog.

Anonyme a dit…

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Anonyme a dit…

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Anonyme a dit…

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