LEE MILLER (1907-1977).
Vous êtes belle bien sûr, mais cette beauté tremble aux commissures du regard, semble à deux doigts de chavirer puis se reprend, met en scène une coiffure, une robe aux plissés savants, une capeline dont la blancheur ondulante, sonore, fixe pour un court instant ce regard mélancolique, incrédule et épuisé d’images ; parfois vous vous dénudez, mais jamais femme n’a autant peu montré de son corps dans ce buste d’albâtre où les seins sont –ne riez pas !- presque songeurs et dans l’autoportrait au serre-tête, vous recherchez en vous cette jeune fille fracturée – le viol, à sept ans, cela brise à jamais où fonde pour toujours- que vous éloignez aussi en vous gainant de velours et d’ombres; plus tard dans le temps, vous sondez d’autres clairs-obscurs dans d’autres déserts ,et quand vous ne voguez plus pour Vogue inventant ces hommes-bateaux sur lesquels Cocteau, à qui vous avez offert votre bouche de lune, devait rêver d’appareiller, vous glissez, en avant, calme et droit dans les morts iconiques de notre siècle de fer, et je ne sache pas qu’il existe, ailleurs au monde, une photographe capable de donner –aussi- à une suicidée allemande cette sépulture alanguie de fiancée foudroyée . Il est vrai que vous aviez osé faire le " portrait d’un paysage"...
De Cadenet.
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