"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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mercredi 5 novembre 2008

PAR LES ROUTES (JOURNAL DE VOYAGE).








LA DESTINEE DES ESPERANCES.




"In my end is my beginning" (T.S.Elliot).

"On ne sait jamais ce que le passé nous réserve" (F.Sagan).

"La foi qu'on a eue ne doit jamais être une chaîne. On est quitte envers elle quand on l'a soigneusement roulée dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts (E.Renan).










Le sourire de Gagarine.




Le grand sourire dans ce visage un peu poupin semble en quelque sorte « déclenché » par l’ouverture de la porte palière puis ma mère s’efface lentement vers la gauche en gardant d’abord la main sur la poignée qu’elle abandonne pour dévoiler la gentille silhouette de Paul Bonnecazes et je suis sorti de ma chambre au premier coup de sonnette et avant même de « dire bonjour » mes yeux ont cherché avidement les deux bras repliés contre son giron où Paul a disposé avec soin, comme on le fait pour un étalage, un exemplaire de « L’Humanité Dimanche », un autre des « Lettres Françaises » je crois ou d’une publication destinée aux « JC » et surtout, derrière ces « albums Pif » et « Placid et Muzo » régulièrement convoités, en bonne place puisqu’il sonnait chez nous, coloré, lumineux, magnifique, longtemps inatteignable, Mon « Journal de Vaillant ».

Le regard de Paul, droit, son sourire immense, solaire, cette fragrance diffuse de savon ou d’eau de Cologne bon marché irradiant de lui et envahissant, à mesure qu’il s’y avance, toute notre petite entrée, un seul plan du regard comme un panoramique amoureux puis zoom sur ses mains bien sûr, ses mains un peu épaisses et un peu rouges corrigées par le soin méticuleux des ongles, courts, parfaitement taillés, au bout des doigts très blancs légèrement duvetés de noir entre les phalanges- des mains de paysan –tout chez Paul évoque pour moi la solidité, la bonté, la droiture, le courage, le Travail, un monde de certitudes droites et de valeurs rondes, les mêmes en sorte que j’allais retrouver, transcendées, amplifiées, mises en scène dans « Vaillant ». Chez « Nous », on aime Paul parce qu’il vient du Gers pauvre, qu’il y a gardé les moutons en révisant ses maths, qu’il vit dans une mansarde mais qu’un jour, bravant la lutte des classes, il décrochera son diplôme d’ingénieur et travaillera à l’émancipation des travailleurs. Il est des nôtres, il est de notre monde, frugal, honnête, intransigeant, travailleur.

L’enfance reste le temps des images fulgurantes mais dispersées ; l’enfance d’une vie, comme l’enfance d’un film, c’est « moteur ! », « coupez ! », « moteur ! », « coupez ! » et si la vision enfantine s’avère essentiellement panoramique et technicolor, c’est hors de tout montage, d’où la magie unique de l’œil enfantin : une seule prise ! La mise en forme vient dans l’âge d’homme, après la Chute, après les prises de vue, et l’écriture à ce stade me sert en quelque sorte de table de montage. Il en va ainsi de ces valeurs dont je parlais plus haut à propos de Paul Bonnecazes, comme ces cailloux ronds que l’érosion fluviale a émoussés, arrondis, attendris presque, de ceux que j’ai collectionné au long de ma vie : dans mon travail de flash back méthodique, ces valeurs sonores et tactiles, droites et racineuses, font écho aux camaraderies « viriles » des patronages laïcs, à la morale astringente de mes instituteurs communistes et s’alignent dans le long cortège de mes premiers mythes, avec la voix claire et rocailleuse de Jean Ferrat, les tranquilles héroïsmes des films d’Eisenstein et de Kalatozov, la rectitude souriante mais un peu austère des délégués de Kolkhozes qu’il m’arrivait de rencontrer au pavillon soviétique du salon de l’agriculture ou de la foire de Paris vers lequel, instinctivement, je me dirigeais en premier, attiré par des documentations formidables et tout l’éclat des grandes espérances portées par le gentil visage de Nikita Khrouchtchev et la gueule de mauvais garçon assagi de Youri Gagarine.

« Vaillant » aura fait passerelle chez moi comme chez beaucoup d’autres j’imagine entre l’univers domestique, banlieusard –ces banlieues paradisiaques de mon enfance où le contact subtil et progressif entre ville et « campagne » engendrait ces « terrains vagues » au nom si suggestif, véritables territoires d’aventures poétiques – pour tout dire français , et celui des mondes lointains. Comme « passeurs » du premier de ces « cercles » initiatiques, je revois les vignettes scientifiques et techniques de Géo-Mousseron, un type au physique de cheminot qui proposait aux garçons des « bricolages » méticuleux sur le thème du train miniature, du poste émetteur (je me souviens avoir curieusement phantasmé sur le mot « galène » de « poste à galène » comme plus tard, en regardant pour la première fois les « Enfants du paradis » de Marcel Carné, je devais rêvasser longuement sur l’étrange prénom de « Garance ») ou de l’aéroplane. Les « maquettes » planes, prédécoupées, apparaissaient en une seule dimension sur la page du magazine avec les pointillés du guidage de montage, le tout muni d’un équipement langagier très technique dont j’ai plus tard pensé qu’il relevait autant de la nécessité pédagogique que d’un lyrisme du travail manuel. Ethique prolétarienne oblige, on pouvait tout fabriquer avec des objets de récupération, le public de "Vaillant" appartenant à ce « peuple ouvrier » bien éloigné des maquettes rutilantes des grands magasins de jouets. Au sein d’un tel milieu, le premier train électrique « Jouef » faisait l’effet d’un miracle !- De fait, je retrouvais dans la morale implicite contenue dans les rubriques techniques de "Vaillant", ce respect du bel ouvrage, cette défense et illustration d’un loisir éducatif un peu austère et plus largement la promotion d’une métaphysique de l’attitude artisanale qui faisaient, chez moi, écho à la « danse » tout à la fois légère et complexe des mains de ma grand-mère sur les carcasses d’abat-jour qu’elle habillait de soie dans l’atelier Tincq de la rue du faubourg Saint-Honoré ou à celle, plus saccadée, moins aérienne des mains rugueuses et puissantes de mon grand-père Lionel découpant vivement des semelles de cuir qu’il ajustait ensuite d’un geste sec et précis sur la chaussure glissée dans son alène.

Quant à la « lutte des classes » (d’ailleurs évoquée subliminalement dans les travaux manuels), elle prenait, dans une perspective syncrétique où l’on aurait pu retrouver la Zazie de Queneau, l’Antoine Doisnel des « 400 coups » de François Truffaut et le « petit Gibus » de la « Guerre des boutons », le visage mi-gouailleur, mi-mélancolique de Totoche, gamin des quartiers pauvres et des faubourgs, tout droit sorti des fortifs’ de Doisneau et d’Auguste le Breton. Totoche arborait la mèche folle et un peu crade dont nous rêvions tous mais à laquelle nos parents, adeptes, comme toujours chez les petites gens, d’une morale fondée sur une propreté et une netteté des corps et des habits censée « fonder » celles des âmes, préféraient indéfectiblement la bonne vieille « boule à zéro ». Révolté mais loyal, solitaire et sauvage mais toujours bon camarade, Totoche, plus ou moins « border line », mais revenant toujours dans le droit chemin, symbolisait au fonds l’itinéraire du militant communiste, enfant pauvre et très mûr tout droit issu de la mythologie de la Résistance, et destiné bien sûr à la condition ouvrière- comme d’autres le sont à la prêtrise- qu’il partagerait avec « Jojo des rues », « Jean-Pierre gars du bâtiment » et les héros de « Bataille dans la mine ». Dans cet univers laïc mais terriblement édifiant, il n’était jusqu’aux héros plus prévisibles –Ragnar le Viking, Davy Crockett ou Yves et le loup- qui ne s’inscrivissent, tôt ou tard, dans une perspective sociale, politique, thaumaturgique. Ainsi, entre deux aventures médiévales ou farwestiennes m’apparut un jour, magnifique, lointain, tout à la fois inatteignable et humain, en trois vignettes inoubliables, le visage à peine caché par son casque de cosmonaute, Youri Alexeievitch Gagarine annonçant en souriant ,dans une « bulle » quasi eschatologique : « Je réalise mes rêves…Mes efforts sont couronnés par cette mission que j’accomplis pour le peuple soviétique..Pour le peuple du monde entier ». C’était le 12 avril 1961, j’avais 8 ans et je m’envolais dans l’espace. Huit ans plus tard, une nuit de 1969, je devais revivre cette aventure avec Amstrong, Aldrin et Collins, en direct sur le gros poste de télévision de ma grand-mère, glissant d’un rêve à un autre rêve, d’un voyage à un autre voyage, un « petit pas pour lui » mais un grand pas pour moi : le pied de Neil Amstrong touchant la lune sonna l’heure de la fin de l’Enfance, une Chute irrémédiable dans l’Histoire réelle et dans Mon histoire, une histoire aussi incongrue et étrange que cette voix qui muait et ce corps qui se mettait à durcir et à suinter. Alors, sans le savoir, je pris des chemins pour fuir cette disgrâce et retrouver le corps arqué, diaphane, nubile, féminin du danseur que je suis resté sans jamais l’avoir été.

Bien des années plus tard,mon chien Maximilien étant mort quelques semaines auparavant, on peut dire que je suis parti aux Etats-Unis sans Milou mais avec dans la tête, malgré l’éloignement de l’enfance lors de ce voyage américain, l’univers de « Tintin en Amérique » et dans l’émerveillement d’un gosse du peuple soudain projeté dans le pays des dollars et des grands buildings. Vingt cinq ans avaient passé. Dans le long canyon de la Cinquième avenue, je pensais à ma grand-mère qui n’avait quitté la France que pour un bref petit voyage italien , et n’aurait donc jamais vu les séquoias géants et les chutes du Niagara que mon encyclopédie géographique, obtenue comme prix d’honneur à la fin de mon cours préparatoire, présentait sous formes de dessins d’après photo entre les varans de Komodo et les pygmées d’Afrique centrale, un monde fabuleux et lointain que je pensais ne jamais pouvoir rejoindre.

Durant ces mêmes années de Bagneux où ma chambre se remplissait des petits riens de mes errances entre chemins creux et terrains vagues, Mamie m’emmena à la salle Pleyel où je fis la connaissance des Mahuzier, cette famille nombreuse incroyable qui passait sa vie autour du monde et la gagnait en ramenant de nulle part des documentaires épatants, pleins de bêtes féroces et d’astuces de survie. Je ne sais trop ce qui me transporta le plus, des films commentés en direct par les grands enfants du groupe et où je découvrais une fratrie rieuse, unie, soudée par la découverte du monde, ou des pays lointains eux-mêmes, Asie, Océanie, îles du bout du monde que Vaillant avait commencé de m’ouvrir en noir et blanc. Tout cela sans doute, comme si Totoche quittait enfin son bitume pour les mers australes, un Totoche devenu reporter au « Petit Vingtième » et bientôt l’ami d’un capitaine Haddock tout droit sorti de la matrice vernienne de « 20 000 lieues sous les mers » où Ned Land et Némo se disputaient en moi le rôle de pères de substitution. Le voyage me serait une "Seconde Patrie". La seule peut-être.

Plus en amont dans le temps, à l’âge de six ou sept ans, mais toujours avec « Mamie Suzanne », je me souviens qu’en sortant de son atelier, nous descendions la rue du Faubourg Saint-Honoré pour rejoindre le métro « Concorde » et passions devant l’imposant bâtiment abritant le Ministère de la marine ; alors, incrédule, partagé entre émerveillement et inquiétude, je serrai la main de ma grand-mère et levait les yeux sur cette immense façade, persuadé qu’une vague énorme allait soudain nous engloutir. En effet, tout en m’interrogeant sur la possibilité d’enfermer ainsi l’immensité de l’océan à l’intérieur d’un bâtiment vaste mais tout de même !, j’avais acquis la conviction que « Ministère de la marine » signifiait en fait que la mer elle-même se trouvait contenue à l’intérieur de ces murs, tant l’échelle spatiale des valeurs, dans l’enfance, varie au gré de l’imaginaire. Avouerai-je que je gardai longtemps, devant ledit bâtiment, non la peur de la vague, mais la sensation confuse de quelque chose de plus beau, de plus grand que lui et qu’il m’arrive même d’entendre le bruit de la mer quand je me promène au jardin des Tuileries. Le communisme pour moi, ce fut un peu comme ça, l’idée de la mer de l’autre côté du mur.

Alors, de fait, ces beaux géants rieurs des Chœurs de l’Armée Rouge, ces danseurs sublimes qui sautaient si haut avec leurs accordéons, ces jolies fillettes blondes des ballets Moïsséiev glissant, graciles et lumineuses sur la scène du Palais des Sports de la Porte de Versailles ,et les saltos irréels du couple Protopopov, étoile éternelle du patinage soviétique , cette lueur rouge et dorée dans la grisaille des jours capitalistes, comment aurions-nous pu imaginer un seul instant qu’ils eussent pu dissimuler, comme ces poches de gaz encastrées dans les veines charbonnières, le grisou mortifère des Goulags ? Pour un enfant de ce temps là, les explorations lointaines de Cousteau et de Paul-Emile Victor, la passion volcanique d’Haroun Tazieff, la conquête de l’espace, Tintin, la mise en valeur des terres vierges de l’extrême Orient soviétique, etc. , tout relevait d’une aventure humaine digne d’un roman d’anticipation. Notre aveuglement fut inversement proportionnel à notre imaginaire ; « Tintin en Amérique », « Les cigares du pharaon », « Le temple du soleil », « Tintin au Tibet »,… même « Tintin au Congo », ( sauf bien sûr « Tintin au pays des soviets », confidentiel, suspect, bref interdit de séjour au pays du rêve socialiste où Jeanne d’Arc devenait une petite paysanne exploitée lancée dans la résistance et Mickey le messager hideux de l’impérialisme) côtoyaient les brise-glaces de Mourmansk et les prouesses techniques du Baïkal-Amour..

Pourtant, l’Amérique nous faisait secrètement rêver, avec ses snack-bars, Cap Canaveral ( autre lieu de propulsion métaphysique), les Westerns, les pick-up, les jube-box, le twist et bien sûr les mille déclinaisons du rock. Yves Montand nous déculpabilisait un peu en alternant concerts en URSS et Marilyn Monroe mais notre engouement restait semi-clandestin et l’on ne nous autorisait qu’une petite dose de Johnny Halliday. Jusqu’à ce "11 septembre" en novembre où Kennedy fit son entrée dans notre vie en quittant la sienne.

Kennedy est mort!

L’image est brouillée comme les photos extraites du film de Zapruder, des images en couleur un peu estompées, floues, cette terrible couleur de ce jour lumineux, cette couleur, nouvelle pour nous à la télévision. Dans la rumeur de nos jeux, quelques minutes avant le coup de sifflet de rentrée après la cantine, des cris plus aigus font irruption dans la cour avec l’arrivée des externes, des cris informes d’abord, indissociables des nôtres et puis un mot s’en extrait, tellement lointain, tellement étranger, et qui va devenir par une étrange alchimie, tellement familier, un nom qui ne fait pas partie, qui ne devrait pas faire partie de notre univers, un nom court, net et clair , un nom brillant comme le soleil de ce jour là : « Kennedy ». Un silence et cette phrase, bientôt qui prend corps, qui prend grain, qui prend forme, une phrase incongrue, incroyable, tout droit sortie du canular d’un potache secrètement américanophile happé par le démon de la transgression : « KENNEDY EST MORT ». L’Histoire nous avait rejoint, nous en étions presque fiers dans notre frayeur :KENNEDY EST MORT. Nos maîtres, immobiles, silencieux, demeurèrent avec nous de longues minutes en suspens : KENNEDY EST MORT. Notre univers basculait par le fait d’un seul homme que nous n’avions vu que sur les couvertures des magazines, un homme au sourire léger et un peu triste, le président d’un pays que nous adorions tous en secret et qui, soudain, semblait avoir été foudroyé par un autre mot qui se répandit bientôt au fil des heures comme une vapeur délétère, un mot tranchant celui-là, tranchant et lointain, beaucoup plus lointain que le nom du Président des Etats-Unis, un mot dont la sonorité évoquait le claquement d'un coup de fusil suivi du sifflement d'un serpent venimeux: DALLAS.

Nous nous raccrochâmes aux jeux de notre enfance, aux certitudes de nos parents, à la douceur tranquille de nos cités. Mais le vent du Temps avait tourné, dispersant peu à peu nos constructions fragiles comme la mer attaque lentement sur les plages, à marée montante, les châteaux incertains que les gosses élèvent à la diable, en riant, contre l’inéluctable. Nous avions l’impression qu’on avait tué Rintintin et Rusty, les guitares électriques, Bope Hope , John Wayne et tous les westerns, mais qu’il ne fallait pas le dire. Nozal ne me vola pas mes calots ce jour-là et même Schwartzenberg, le fort en thème, immobile dans son insupportable minceur, paraissait foudroyé et demeura silencieux, comme si rien ne pouvait survivre, rien ne pouvait conserver un sens, rien ne pouvait être dit face à cet apocalypse : KENNEDY EST MORT. Bouboule ne se sentait plus gros ce jour là et monsieur Deguelle, ce jour-là, oublia de distribuer les bons points. Plus tard, dans le Paris-Match de ma grand-mère que pour la première fois on m’autorisa à regarder, je découvrirai Jacky, Caroline et JohnJohn, Lee Harvey Oswald et Jack Ruby. Je cesserai de collectionner les photos des grands barrages sur l’Ienisseï et je me mettrai enfin à grandir. C’était le 22 novembre 1963. J’avais dix ans et je réalisai que j’étais sorti de l’éternité.

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