"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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vendredi 19 juin 2009

UNE FEMME DE NOTRE TEMPS.


"Frères humains qui après nous vivrez,
n'ayez le coeur contre nous endurci,
car si pitié pauvres de nous avez,
Dieu en aura plus tôt de vous Merci".

VILLON; "La ballade des pendus".











Elles. Plusieurs en elles, comme pour toutes. Et seule. L’Un, si difficile, presque inatteignable. Elles, Eux, Nous. Je ? Si difficile pour elles de dire « je », prononcer « je », sentir « Je ». Des siècles. L’Histoire. Elles, à l’image de l’Histoire. L’Histoire qui n’était pas la leur. Attendre, Etre, agir : que faire ? Qu’être ? Questions de femmes. Surtout ? Devant ses juges, V.C., seule, comme Joseph K, au féminin. C’est quoi « au féminin » ? Une brisure d’abord, béante, un écartèlement, un écartement, comme des forceps de l’âme. Mère, femme, Amante, Compagne…Que de rôles, que de personnages, quelle foule en vous, soudain, quel terrible cortège. Vouloir, décider, trancher : des valeurs d’hommes, des valeurs de nous autres, unis, réunis, unifiés. Mais vous ? Donner la vie, pour qui, pour quoi, pourquoi ? Donner la vie c’est aussi donner la mort. L’enfant surgi, part de vous, morceau de vous, prolongement dans le même temps que mutilation, l’enfant pour la vie, l’enfant « pour la mort ». Ne pas y penser, sourire, de ce sourire un peu las des accouchées, incarner la Vie et rien d’autre, mais voilà, Moi, aussi, prolongée et dépossédée. Le cordon, tranché, sépare aussi la mère.

V.C., vous avez commis un crime, mais vous êtes des nôtres.

Eux. Qui sont-ils, si proches –chair- si étrangers soudain. Baby blues, petit nom tranquille pour la plus haute des solitudes. Soudain vidée, désincarnée, expatriée de son propre corps. Exil, sourires des visiteurs, félicitations, mission accomplie. Quelle mission ? Et Lui/Elle, petit berceau, cette chose humaine, ce surgissement familier et lointain. Une part de vous, si Vous et si tellement peu Vous. Qui est l’enfant, à partir de quand un Etre ? Et vous, parturiente, à partir de quand cessez-vous d’être un peu, aussi ? Coupable, vous vous sentez coupable de cette pensée insupportable, cette fulgurance, cette révolte. Pensée de la mort, qu’il ne soit plus, ou qu’il n’ait pas été. La pensée de sa disparition, meurtre symbolique pour vous réunifier. Propos scandaleux, faîtes silence, appelez cette Chute « baby blues » et basta ! Pourtant, ce vide en vous soudain, ce néant.

V.C., vous avez commis un crime, mais vous êtes des nôtres.

Le corps à corps de l’amour. Toujours un peu une plus ou moins grande violence, l’écartement toujours, offertoire ambivalent, petite prostitution plus ou moins tendre, à laquelle Il tente de donner (le change ?) un petit air de tendresse. Préliminaires. Terme hétérosexuel. Entre femmes, l’amour n’est qu’un seul et même préliminaire. Inachèvement bien sûr. Sentiment d’inachèvement. Véritable inachèvement ou colonisation masculine d’une économie ontologique du coït ? Petites violences entre amants. Jeu sexuel aussi. A égalité ? Elle et Lui y investissent-ils la même chose ? Souillure, archaïsme. Il sort du lit soudain, vaguement nauséeux. Invoque la cigarette réglementaire. Séparation. Séparation. Et ce sexe qui n’a pas véritablement de nom, cette blessure, ces lèvres du bas, écartées pour l’amour ET pour l’enfantement. Même chose et pas tout-à-fait non plus, béance au bas de vous, nuit ouverte de votre corps, silence assourdissant. Pour qui, pour quoi ? Jouir pour vous, sublime et délicieuse contrainte. Orgasme, délicieux comme une diffraction, un éclatement. Encore. Sa quête. La souffrance de son absence. A ce jeu d’amour, Ils cherchent l’Avoir. Vous, vous cherchez ici encore à Etre.

V.C., vous avez commis un crime, mais vous êtes des nôtres.

IVG. A partir de quand la vie, à partir de quand la mort ? Droit. C’est bien. Question de femmes. On y reviendra pas. Mais qu’est-ce qu’on interrompt ? Meurtre légal ? Interruption. Pas seulement une question de catholique. Banalisation de la vie inséparable d’une banalisation de la mort. Marchandisation de l’Etre. Interchangeabilité. PMA : enfant-produit d’un couple producteur au sein d’une équipe technique. Don de sperme, fécondation in vitro, in utero. Règle la question de la stérilité. Couples satisfaits. Femmes-objets d’une nouvelle ère, femmes sérielles, aussi. Phallisées. Science au chevet des béances. Suffisant ? Alors, à son corps (pour la Science) de plus en plus étrangère. L’Etrangère. Medium. Outil. Une simple intermédiaire. Quelle colère ici, quel cri de révolte peut alors surgir, démultiplié par de terribles biographies, des pères border line ou simplement approximatifs, des pères consommateurs, des pères-marchandises, des pères pour la mort, oh, encore ce « pour la mort », cette angoisse et ce besoin toujours plus fort d’arracher de soi cette part de soi qui, au fil du temps technique, est de moins en moins soi. Femme après tous les holocaustes, Femme dans la banalité du mal…Comment maintenir ? Mourir, survivre, tuer, se tuer. Femme dans le Temps des grands holocaustes…

Elle est des nôtres, terriblement, atrocement. Elle a tué. Oui. Un crime au milieu des crimes. Elle est seule. Pas seulement face à ses juges. Face à l’Histoire, témoin en creux de nôtre siècle de fer et de cendres. Aphasique. Privée de la parole. Comment dire l’indicible quand l’indicible est au cœur de vous ? Ce congélateur dont on ne parle pas. Pas comme il faut. Elle a arraché d’elle cette vie battante qui battait trop vite, qu’elle ne pouvait pas suivre, une musique d’elle et en même temps étrangère, un corps étranger. Pourtant elle garde ces corps, ces parts d’elle qui sont elle sans l’être, elle les voit sans les voir, elle est aveugle soudain, comme nous le sommes devenus. Aussi. Tuer quelque-chose en soi, le conserver aussi, névrotiquement, comme le signe d’une possibilité de soi, défunte. Une part de soi comme un membre mutilé. Eros, Thanatos : ah ! ces terribles berceaux de glace ! La confusion des sentiments. Une femme sans repères dans un siècle sans repères. Vous êtes si humaine, si terriblement humaine. Oui, vous êtes des nôtres. Il faut vous punir, car vous avez tué. Rien à dire. Vous êtes passée à l’acte, nous, nous nous contentons de tuer par procuration. Vous, de l’autre côté du miroir. Un miroir sans tain. Vous ne vous re-connaissez pas.L'abîme de vôtre regard, tant vous vous êtes abîmée, comme on le dit des navires qui sombrent. Moi,malgré, ou peut-être à cause de ce naufrage, je vous reconnais, pour le meilleur et pour le pire.

V.C. : un jour futur, vous reviendrez parmi nous, car vous êtes une part de nous, un moment de nous, un moment de nos histoires, un palimpseste de nos destins merveilleux et misérables. Vous reviendrez vers nous parce-que vous êtes terriblement des nôtres et que vous êtes une femme de notre Temps.

1 commentaire:

hannah'sback a dit…

merci pour ce regard qui ne juge pas. il se si fait rare.
un tres beau texte, tant sur le fond que sur la forme.
au plaisir de vous lire