"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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samedi 29 janvier 2011


HISTOIRE DES IMAGES, IMAGES DE L’HISTOIRE.
Les USA dans le miroir du cinéma (1)


« LES MISFITS », de JOHN HUSTON (1961).




-Le film : tourné en 1961 à partir d’un scenario du dramaturge ARTHUR MILLER ( « Les sorcières de Salem », « Mort d’un commis voyageur »), « Les Misfits » ( les désaxés ») brosse, dans un noir et blanc crépusculaire choisi délibérément en plein épanouissement du technicolor, le portrait d’une Amérique elle-même « désaxée », une Amérique entre deux mondes : celui des grands espaces, de la nature sauvage et des mythologies de l’Ouest, en plein déclin et celui d’une modernité complexe où quatre paumés errent à la recherche d’eux-mêmes dans un Ouest soudain dépossédé de sa fonction de « frontière » civilisationnelle et identitaire, un Ouest mécanisé désormais incapable de donner à des individualités fracturées, un sens transcendant à leurs existences. Il est vrai que le scénariste, ARTHUR MILLER est issu d’une famille d’émigrants polonais juifs de Brooklyn (New-York) et porte en lui les stigmates du déracinement temporel et spatial et de l’incertitude identitaire. Marié quelque temps avec la comédienne Marylin Monroe, il écrit pour elle le rôle de Roselyn qui semble faire figure ici d’ange de l’Annonciation à travers des dialogues d’une étonnante modernité sur la difficulté à envisager le rapport au monde, le poids des bagages émotionnels de l’enfance, les relations hommes-femmes et le rapport à la nature. De son côté, JOHN HUSTON, cinéaste du film noir et des tragédie intimes (« Le faucon maltais », « Key Largo », « Moby Dick »...) tourne « Les Misfits » entre « Le vent de la plaine » en 1960 et « Freud, passions secrètes » en 1962, ce qui éclaire sans doute la double axialisation technique du film entre plans serrés sur les protagonistes et plans larges sur les paysages de l’Ouest. A cet égard, le film constitue un ultime adieu au western traditionnel, alors en plein déclin, le comédien Clark Gable semblant, à travers le personnage de « Gay » -étrange prénom pour un dur-à-cuir macho- dire lui même adieu au Red Butler de « Autant en emporte le vent » (d’après le roman homonyme de MARGARET MITCHELL, prix Pulitzer 1937), qu’il interpréta avec panache vingt ans auparavant dans la célèbre adaptation de VICTOR FLEMING, en 1939.
« Les Misfits » demeurent un film mythique et crépusculaire à un autre titre : C.Gable décède quelques jours après la fin du tournage et Marylin trouve ici son dernier rôle. Elle disparaît en effet l’année suivante.

-Sa portée : c’est celle de son contexte historique. En 1960, les USA ont choisi avec John Kennedy un jeune président, dynamique et novateur, qui propose à l’Amérique une « nouvelle frontière », morale, technologique, en bref, un nouveau messianisme. On va bientôt sortir de la phase la plus radicale de la Guerre Froide, avant le séisme vietnamien. Mais les USA sortent, au début de la décennie 1960, de 15 années de tensions et d’incertitudes. En s’éloignant, l’époque de la guerre éloigne aussi les mythes puissants que le second conflit mondial portait aussi en lui : gloire, puissance, charisme de la victoire contre les fascismes...Avec le républicain EISENHOWER, lui-même héros de cette guerre, les USA ont traversé une étrange période : croissance économique modérée par le choix d’une politique de déflation, fin du Welfare state de Truman et avec lui des grandes reconstructions du New Deal de Roosevelt, incertitude de la classe moyenne et de la jeune génération quant à ses désirs et à son identité –le film de NICHOLAS RAY, « la fureur de vivre » illustre pleinement ce mal-être en 1955-... A cet égard, le maccartysme traduit, dans ses aspects intérieurs (peur de l’espionnage, de la contamination, de l’invasion étrangère) le malaise d’un pays qui se retrouve entre deux destins : prolonger le mythe de l’Ouest ou foncer dans la modernité. Avec le repli des années 1920, suite au refus de la ratification du Traité de Versailles, avec la prohibition et plus largement la défausse sur un nouveau puritanisme, les USA avaient déjà connu une telle incertitude collective. Ils la retrouveront durant les « reaganomics » et plus récemment avec l’écartèlement entre Obama et le mouvement des « Tea Party ». Dans les « Misfits », l’avion de Guido et les grosses berlines qu’il répare le disputent aux mustangs, mais le combat est perdu d’avance pour ces chevaux voués à l’équarissage, comme il est perdu d’avance pour les concurrents des derniers rodéos ! Gay, vieillissant, épuisé – l’acteur Clark Gable lui-même aura du mal à tourner les scènes les plus physiques- dit adieu dans la scène sublime de la « libération » des chevaux entravés à son destin de cow-boy, mais il lui reste les étoiles et l’espace qu’il conserve en lui comme son dernier héritage. Roselyn a pour elle la jeunesse et la beauté, mais elle n’a pas su construire une relation durable avec un homme et s’interroge sur son destin. La rencontre de ces deux personnages illustre bien le crise morale que traverse les Etats-Unis à cette époque. Guido, de son côté, n’a pas pu sauver sa femme à cause d’une crevaison ! Sa maison, symbole du « home » américain cosy des années 1950, se transforme en nécropole et l’ancien aviateur de la guerre en est réduit à effrayer des chevaux avec son coucou délabré !!On est encore loin de la NASA, du programme Apollo et des premiers pas sur la lune !

-Prolongements :

*Les « derniers » westerns mythiques et leurs regards angulaires sur le mythe de l’Ouest :
-Bronco apache » de ROBERT ALDRICH en 1954.
-« L’Homme de l’Ouest » d’ANTHONY MANN en 1958.

*Au plan littéraire : voir la production de WILLIAM FAULKNER, le grand écrivain du Sud et des liens entre crises intimes et espaces collectifs. Le regard de TRUMAN CAPOTE est essentiel pour comprendre le « revers » pathologique de cette Amérique faussement harmonieuse, en particulier « De sang froid », (1966) roman inspiré par un crime collectif commis en 1959 et qui inspira l’adaptation cinématographique de RICHARD BROOKS. A noter que le film de BENNETT MILLER, « Truman Capote » (2005) revient sur cet épisode.
Par ailleurs, l’écrivain CORMAC MC CARTHY, Prix Pulitzer 2006 pour « La route », a consacré une partie de son oeuvre à une radiographie de l’envers du « modèle » amériacin, brossant systématquement les portraits des laissés-pour-comptes, des perdants, et interrogeant le rapport de l’homme à la nature et au territoire. Voir tout particulièrement les romans suivants :
-« Un enfant de Dieu » (1974).
-« Suttree » (1979).
-« De si jolis chevaux » (1992)
-« Non ce pays n’est pas pour le viel homme »(2005), adapté au cinéma par les frères COEN, sous le titre « No Country for Old Men » en 2007.

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