"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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mercredi 16 février 2011

JAPON(S) 2009: NIKKO.



































































Nikko n'est située qu'à quelque 140 km de Tokyo. On y parvient par un train rapide qui vous dépose dans une petite gare proprette et tranquille comme une maquette de jouet d'enfant. De la gare, une longue rue bordée de vieilles boutiques monte jusqu'aux collines boisées ceinturant en arc de cercle la zone urbaine. Au delà du pont ancien enjambant une rivière tempétueuse venue des montagnes, on progresse par de très longs escaliers jusqu' au temple funéraire de la dynastie des Tokugawa, ces shoguns "unificateurs" qui, bien avant Meiji, ont ouvert le Japon à une modernité modérée. Les temples sont nichés au coeur d'une forêt profonde d'arbres plus que centenaires, une forêt primaire à l'intérieur de laquelle on s'est simplement contenté de tracer des allées de terre pour les visiteurs.
Autant les Japonais apprécient les jardins de méditation aux savants dispositifs symboliques, autant leurs sanctuaires funéraires, comme leurs cimetières en général, sont-ils la plupart du temps situés à flanc de collines -comme à Kyoto- ou, comme ici, au coeur d'une forêt profonde, sans aucune "mise en scène" de la nature. Nikko, c'est un peu comme si nous avions bâti Chartres dans la forêt de Brocéliande ou Chambord dans celle d'Orléans. Encore cette comparaison s'avére-t-elle oiseuse, dans la mesure où les temples et sanctuaires de Nikko, comme ceux de Nara ou de Kamakura, avec leur architecture surbaissée, leurs tours dissimulées au milieu des arbres, leurs lourds torii de pierre massive se distinguant à peine, de loin, des masses forestières qui les enserrent, sont-ils, par leur humilité ostentatoire, leur dissimulation volontaire derrière l'univers végétal, l'anti-Chartres et l'anti-Chambord.
A Nikko, je poursuis mon apprentissage de la psychologie collective des Japonais et de leur rapport à l'Histoire: Clio n'est ici qu'une modalité relative de l'Etre collectif et cette relativité se mesure à l'omniprésence volontaire des mondes minéral, végétal, hydrique vers lesquels on revient toujours, que l'on soit prince ou paysan... Tokugawa Ieyasu (1543-1616) fut le premier shogun d'une longue dynastie qui régna sur le Japon jusqu'à la révolution Meiji de 1868. Prince prestigieux, grand capitaine, fondateur d'Edo (Tokyo), la nouvelle capitale qui supplanta Kyoto peu à peu, on aurait pu imaginer pour lui un monument funéraire à la hauteur du personnage. C'eût été compter sans la disposition d'esprit d'un peuple pour qui la mort remet, en quelque sorte, les pendules à l'heure, celle du retour à la terre au sens premier. Niché au coeur des forêts de Nikko, le mausolée des Tokugawa se situe dans le sanctuaire Tosho-gu dont vous n'atteignez les premiers bâtiments qu'au terme d'une longue marche d'approche propice à la rêverie, à la méditation, à une mélancolie cognitive, une mélancolie d'empathie progressive.
La longueur totale de l'avenue des cèdres de Nikko est de 37 km. On compte environ 13 000 de ces arbres, plantés il y a 400 ans par Matsudaira Masatsuna, un vassal de Tokugawa Ieyasu qui les donnera au sanctuaire Tosho-gu où il repose désormais. Il est singulier que l'avenue des cèdres de Nikko soit la seule propriété culturelle indiquée par le gouvernement japonais comme emplacement historique spécial et monument "spécial". En la parcourant, je repense à ces trois cadres rencontrés à l'étang Shinobazu du parc d'Ueno à Tokyo. Venus tôt le matin sur les indications d'ensoleillement et d'humidité de la météo propices à l'ouverture des fleurs de lotus géantes, ils attendaient en silence, appareils en sautoir, ce moment fugace pour lequel ils avaient demandé une journée du "RTT" nippon.
Interrompre son activité professionnelle pour contempler l'éphémère révèle à n'en pas douter l'essence même d'une société. A Nikko, j'effectue la montée vers le sanctuaire au milieu de centaines d'écoliers souriants et silencieux. Il fait frais, presque froid sous les grands cèdres dont les frondaisons immenses dissimulent presque complètement un soleil invisible.
La jeune femme à la longue jupe rouge, sur la photo du torii d'entrée, donne bien sur l'échelle de ce très haut portique, jeté à l'assaut des arbres. Un portique rituel puissant par sa simplicité. Elle donne aussi "l'échelle" d'une âme collective, tout entière centrée, aujourd'hui encore, sur l'idée de la relativité de l'existence humaine. En regardant cette scène, je repensais à deux haïkus du grand BASHO (XVII° siècle):
"Même après
la tempête
les piments sont rouges" et
"Dans ma coupe de saké
elles ont fait tomber de la boue
les hirondelles".











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