"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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jeudi 3 janvier 2013

LES CAUSES DU CHOMAGE: POUR EN FINIR AVEC LES AUTOMATISMES IDEOLOGIQUES DE LA GAUCHE.


Les causes du chômage

Les rigidités du marché du travail constituent la cause majeure du chômage involontaire. Qu’on en juge sur quelques thèmes précis : la réglementation de l’emploi, les difficultés à licencier, l’existence d’un SMIC élevé. Par ailleurs, un système d’allocations généreux explique le chômage volontaire. Les individus tombent dans une trappe à pauvreté et l’assistanat, ou profitent rationnellement du système sans travailler.  

La réglementation du travail : une machine à créer du chômage
Une réglementation inappropriée freine considérablement les transferts de main d’œuvre des secteurs en déclin vers les secteurs en expansion. En particulier, des mécanismes de fixation des salaires trop rigides empêchent les variations de salaires relatifs et empêchent ainsi de nombreuses personnes de trouver un emploi.
A titre d’exemple, le Financial Times du 29 juin 2005 évoque les taux de chômage élevés en Allemagne de l’Est, en Italie du Sud, et au Nord-Ouest de la Grande Bretagne. Le point commun de ces régions ? Une productivité du travail plus faible que la moyenne nationale. Dans la mesure où les salaires sont négociés et fixés au niveau national, les régions moins productives n’attirent pas les entreprises, et leurs populations souffrent de chômage. Pourquoi ne pas permettre à employés et employeurs d’entrer librement dans une relation contractuelle dans laquelle chaque partie trouve son avantage ?  
Le marché du travail aux Etats-Unis, plus ouvert, plus dynamique, est également moins discriminant. Lorsqu’il y a cinquante candidats pour un emploi en France, l’employeur a tout le loisir de laisser ses préférences s’exprimer. C’est à dire qu’il peut se permettre de rejeter toute personne qui n’a pas l’air « parfaite » à ses yeux. Le taux de chômage faible aux Etats-Unis avant 2009 ne conférait pas aux employeurs cette possibilité. Et même si, outre-Atlantique également, des progrès restent à faire, force est de reconnaître que le marché du travail américain a positivement contribué à l’intégration des minorités ethniques, tandis que le marché du travail français tend à les condamner au chômage de longue durée, donc à l’exclusion. Ironiquement, l’application du libéralisme économique aux Etats-Unis régule le marché du travail et tempère ainsi le pouvoir des employeurs. En France, un marché du travail se voulant excessivement protecteur pour les salariés confère de fait un pouvoir exagéré aux employeurs. Une fois encore, les « bonnes » intentions françaises ont l’effet inverse de celui escompté. 
Sans oublier la complexité du droit du travail français. Le Nouvel Observateur[1] recense plus de 30 contrats de travail différents, et constate la grande difficulté des entreprises à s’y retrouver dans ce maquis législatif. Aux contrats « initiative emploi », « emploi solidarité », « local d’orientation », « de retour à l’emploi », « d’accès à l’emploi », « emploi consolidé », « emploi de conversion », « de professionnalisation », « d’insertion », se sont ajoutés en 2005 les contrats « d’accompagnement dans l’emploi », « d’avenir », « d’insertion dans la vie sociale », « de mission à l’exportation » et « de volontariat de solidarité internationale », sans oublier le CNE
Charles Gave tire les conséquences de cet enfer réglementaire en soulignant qu'"en France, deux adultes consentants peuvent tout faire, sauf travailler l'un pour l'autre."
Les difficultés pour licencier: un frein à l'embauche  
Dans un monde incertain, il est évident qu'une entreprise qui ne peut licencier qu’avec difficulté ou pénalités sera réticente à créer des emplois. Elle préférera soit ne pas augmenter son activité, soit remplacer les emplois par des machines, soit encore délocaliser ses sites de production et de décision à l’étranger. Protéger excessivement ceux qui ont un emploi revient à empêcher ceux qui n’en ont pas d’en trouver un. La présence de coûts de licenciements élevés renforce en revanche le pouvoir de négociation de ceux qui ont un emploi stable. Ils obtiennent ainsi un salaire élevé, qui empêche ceux qui sont sur la touche de sortir de la précarité. Le marché du travail devient dual, avec d’une part ceux qui bénéficient d’un poste protégé, et d’autre part la masse des chômeurs et des travailleurs précaires.    
Afin d’acquérir la flexibilité nécessaire qu’elles ne peuvent avoir avec des CDI, les firmes développent une force de travail plus facilement ajustable, à base de contrats aidés, de stages, de CDD, d’intérim, etc. En France, plus de 40% des chômeurs sont sans emploi suite à la fin de leur contrat à durée limitée[2], et plus de 70% des embauches se font en emplois précaires.[3] Comment peut-on défendre un tel modèle au nom d’objectifs « sociaux » ?    
De plus, les obstacles liés au licenciement dissuadent ceux qui ont un emploi d’en changer ou de créer leur entreprise, puisque leur situation est très confortable. La mobilité intersectorielle s’en trouve réduite, ce qui constitue un lourd handicap dans une économie qui change rapidement. Des forces productives se retrouvent immobilisées dans des entreprises peu performantes, alors qu’elles pourraient être plus utiles ailleurs. « Les hommes et les capitaux consacrés au soutien d’entreprises dont la justification économique s’estompe ne sont pas disponibles pour des entreprises nouvelles, davantage créatrices de richesses. Le maintien en activité d’une unité de production qui n’est plus compétitive se fait forcément au détriment de la société toute entière, c’est-à-dire, finalement, de l’emploi global. Vouloir interdire à une entreprise « profitable » de licencier serait comme interdire à un cancéreux de se soigner tant que son mal n’est pas généralisé. Cela multiplierait à l’évidence les disparitions d’entreprises. (…) On voit les quelques emplois dont on a prolongé l’existence ; on ne voit pas tous ceux qui ne se sont pas créés parce que les contraintes sont jugées dissuasives par les entrepreneurs. »[4] Il faut souligner encore une fois l’effet dévastateur de l’affaire Lasalle sur le patronat japonais ; comme disait Frédéric Bastiat[5] : il y a ce qui se voit (les emplois apparemment sauvés), et ce qui ne se voit pas (tous les emplois non créés).    
Notons néanmoins les efforts du gouvernement Villepin pour introduire le CNE, Contrat Nouvelle Embauche, qui cherche à fluidifier l’embauche et le licenciement. En rejetant le CPE en 2006, les jeunes Français ont montré qu’ils préféraient la sécurité de 25% de chômage au risque inhérent à la vie du travail. Suivant l’avis des économistes, Nicolas Sarkozy avait inclus le contrat de travail unique dans son programme présidentiel, pour finalement reculer devant la levée de boucliers que ce projet de réforme a suscité.     
Pourtant, la flex-sécurité danoise, que l’on a beaucoup commenté avec envie dans la presse et les milieux politiques, repose sur la même logique : donner plus de flexibilité aux employeurs pour qu’ils puissent embaucher et licencier sans contrainte. Les résultats obtenus ont été spectaculaires. Il n’y a pas au Danemark de modèle de contrat de travail, pas de salaire minimal, pas de durée légale du travail. Depuis la décision en 1993 de supprimer tout délai et indemnité de licenciement en contrepartie d’indemnités de chômage plus généreuses, le taux de chômage a été divisé par deux, pour atteindre 4,5% en 2000. Les indemnités de licenciement sont à la charge de caisses privées agréées par l’État auxquelles les salariés sont libres de souscrire. Les chômeurs perçoivent une indemnité égale à 90% de leur dernier salaire pendant quatre ans, plafonné à 1800 Euros, mais doivent s’inscrire à un programme de recherche d’activité au bout d’un an ou accepter un emploi aidé. L’IFRAP[6] ajoute : « Une enquête internationale a montré que les salariés danois, sachant qu’ils peuvent être licenciés du jour au lendemain, se sentent infiniment plus en sécurité que les salariés français, pourtant surprotégés ; mais les Danois restent en moyenne trois mois au chômage, les Français un an. »   
Une régression du taux de chômage sur l’indice de protection de l’emploi tel que calculé par l’OCDE met en évidence la relation croissante entre ces deux indicateurs, pour les pays de l’OCDE comparables :
Source : OCDE, taux de chômage standardisés calculés par l'OCDE, et US bureau of labor statistics.
Mais si une protection excessive des emplois augmente le chômage, elle crée surtout du chômage de long-terme. En reprenant le modèle anglo-saxon contre le modèle rhénan (déjà comparés dans notre article sur Le chômage), la relation entre protection de l’emploi et chômage de long-terme est flagrante.
Le modèle anglo-saxon, avec un taux de protection d’emploi faible permet d’obtenir une faible proportion de chômeurs de longue durée. Aux Etats-Unis, même en période de boom économique, 15% des emplois sont détruits chaque année, alors que le taux de chômage reste généralement en dessous de 5%.
La France de 2003 compte 43% de chômeurs de longue durée, contre 31% pour la moyenne de l’OCDE. Il est deux fois plus probable d’être au chômage en France qu’aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Mais surtout, le chômage dans ces deux pays est un chômage de courte durée, la durée moyenne du chômage y est de deux à trois inférieure à la France. Leur marché du travail, particulièrement actif et efficace, permet aux chômeurs de retrouver un emploi rapidement. Etre au chômage aux Etats-Unis n’est pas une calamité, car on est assuré de retrouver un emploi assez facilement. Au contraire, être au chômage en France est une condamnation. Bien que les chômeurs français soient bien plus indemnisés que leurs homologues américains, la situation de ces derniers est ainsi préférable à celle des chômeurs français, pourtant surprotégés.
Dans un article de recherche[7], Daniel Cohen et Pascaline Dupas concluent que les chômeurs de longue durée bénéficient de davantage de protection en France, mais que « la sortie durable du chômage semble plus difficile en France, l’emploi trouvé étant plus souvent à durée limitée. » Aux Etats-Unis, le chômage est principalement un accident de parcours et, excepté certaines catégories marginales, tous les individus concourent à la production. Certains emplois sont mal payés, mais ils permettent à tous d’être employés, d’acquérir une expérience, un statut social, une rémunération, et même un tremplin pour accéder à des postes plus intéressants et mieux payés par la suite. En France, une large partie de la population ne parvient pas à accéder à la stabilité de l’emploi, et alterne les périodes d’emplois précaires, de CDD et de chômage. La France a un marché du travail à deux vitesses, qui profite à ceux qui ont un emploi protégé, au détriment de ceux qui ne parviennent à accéder à ce statut.
Un coût du travail excessif : SMIC et charges sociales
Une entreprise n’embauche que lorsqu’un employé lui rapporte plus qu’il ne lui coûte. Avec un SMIC et des charges sociales élevés, de nombreuses embauches potentielles ne s’actualisent pas. Voir la fiche sur Le SMIC pour davantage de détails.
The Economist décerne une nouvelle fois la première place à la France, mais toujours pas dans la bonne catégorie. Le tableau ci-dessous donne le salaire minimum plus charges sociales en pourcentage du coût du travailleur moyen.[8]
De nombreux chômeurs doivent ainsi leur situation aux contraintes combinées du salaire minimum et du système fiscal français. Ceux qui ont un emploi bénéficient certes des avantages du système, mais au détriment de ceux qui s’en trouvent exclus, au premier rang desquels les femmes, les jeunes peu diplômés, les immigrés, et les personnes âgées au chômage. 
Avec l'augmentation des salaires liée à l'ancienneté (souvent quasi-automatique) et l'allègement des charges sociales sur les bas salaires, le système français tend à rendre de facto les seniors peu compétitifs. A moins que leur productivité n'augmente fortement avec l'âge, y compris à un âge avancé (ce qui est loin d'être garanti), le fait qu'ils doivent recevoir un salaire élevé, auquel est associé une pression fiscale encore plus lourde, en fait une catégorie d'employés très coûteuse par rapport aux plus jeunes employés. L'Etat a fourni une porte de sortie aux entreprises avec les pré-retraites, mais ces dernières constituent un absurde gâchis de ressources productives.
Source : OCDE.
Sur le graphe ci-dessus, comme on pouvait s’y attendre, plus le tax misery index est élevé, plus le taux de chômage l’est également.[9]Le coefficient de corrélation est proche de 30%.
En outre, une régression linéaire du taux de chômage dans les pays de l’OCDE en 2005 sur l’indice OCDE de protection de l’emploi (mesure synthétique de la difficulté à licencier dans chaque pays, qui augmente avec cette dernière et varie de 0 à 3) et sur le pourcentage de charges sociales et impôts directs par rapport au coût d’un salarié est concluante. La moitié[10] de la dispersion des taux de chômage entre pays de l’OCDE est expliquée par la difficulté à licencier et par la pression fiscale exercée sur les travailleurs.
Le chômage volontaire récompensé
Dans une étude récente, Time[11] affirme que le chômage persistant en Europe de l’Ouest (quelle que soit la conjoncture économique) est dû à la présence de trois catégories de chômeurs : ceux qui ne peuvent pas obtenir d’emploi, ceux qui ne veulent pas d’emploi, et ceux qui n’ont jamais senti le besoin de travailler. La France illustre parfaitement cette réalité.
Time relève ainsi cette enquête Unedic selon laquelle 45% des entreprises françaises ont des postes à pourvoir, mais éprouvent des difficultés à trouver des candidats convenables. Selon la CCIP (Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris), un tiers des grandes entreprises de la région parisienne affirme ne trouver personne pour occuper des emplois disponibles. Pour Jean-Luc Biacabe, économiste à la CCIP : « Ce n’est pas la paresse des Français qui pose problème, mais leur rationalité. Beaucoup de chômeurs et d’inactifs savent bien que passer du statut s’assisté à celui de travailleur peu payé n’est pas dans leur intérêt. Cette possibilité de refuser un emploi ne peut plus durer. »
Dans un article récent (juin 2011) du Figaro, on peut lire : "70 % des employeurs se plaignent d'une «pénurie de candidats». Quelque 200 000 offres ne trouveraient pas preneur. Les raisons invoquées par les recruteurs? «L'inadéquation du profil» ou du diplôme (mais 38 % sont des offres pour des emplois peu ou pas qualifiés). En fait, c'est surtout le «manque de motivation» que rencontrent les employeurs. (...) Pour 300 euros par mois de plus que le chômage, beaucoup préfèrent rester chez eux."
Comment remédier à ce mal bien français ? Une des solutions consisterait à conditionner les allocations chômages et autres revenus de transferts à l’acceptation d’un emploi, quand bien même il ne correspondrait pas exactement à ce que recherche le chômeur. Il y a plusieurs centaines de milliers de postes vacants en France, 600 000 selon le rapport Attali.[12] Peut-on se permettre le luxe de refuser un emploi lorsqu’on est au chômage depuis plusieurs mois ? Si certains individus désirent bénéficier de ce luxe, c’est leur choix, mais qu’ils ne s’attendent alors pas à être payés à (choisir de) ne rien faire. L’Allemagne a ainsi considérablement réduit les allocations chômages reçues par les chômeurs de longue durée, afin de les inciter à chercher un emploi dans d’autres secteurs d’activités voire d’autres régions, de sorte à ce qu’ils ne vivent pas indéfiniment aux frais des cotisants.[13]
Dans les pays de l’OCDE, le taux de chômage est une fonction croissante du niveau des allocations perçues par un chômeur (calculé comme le « taux de remplacement » par l’OCDE). Comment se positionne la France en ce domaine ? Le taux de remplacement hors emploi est calculé comme le revenu de transfert que perçoit un chômeur divisé par le revenu de ce chômeur lorsqu’il était employé.[14] La moyenne sur cinq ans de chômage de ce taux de remplacement est de 40% pour la moyenne de l’OCDE, mais de 68% pour la France. C’est-à-dire qu’un chômeur français a touché en moyenne plus des deux tiers de son salaire précédent alors qu’il ne travaille pas depuis cinq ans. Ce chiffre est une moyenne, et ne rend pas compte de la dispersion des taux de remplacement dans la population. Il n’est dès lors pas surprenant que de nombreux chômeurs comprennent qu’il est dans leur intérêt de ne pas travailler, vivent aux frais des cotisants, et maintiennent un niveau de vie comparable à celui qu’ils auraient s’ils touchaient un salaire.
Par ailleurs, les études empiriques[15] montrent que le passage du chômage à l’emploi s’accélère très significativement lorsque les allocations chômage touchent à leur fin. C’est compréhensible : pourquoi travailler si, grâce aux allocations, on peut avoir un pouvoir d’achat comparable en consacrant son temps à ses loisirs ? Une diminution graduelle des allocations chômages inciterait ceux des chômeurs qui le peuvent (les chômeurs « volontaires ») à retrouver un emploi.
Le graphique ci-dessus représente le taux de sortie du chômage par reprise d’emploi pour le quart des salariés les moins bien payés en fonction de la durée du chômage. Les allocations chômage prennent fin à 14 mois, au niveau de la barre verticale.[16] Les chômeurs trouvent environ deux fois plus d’emplois lorsque leur indemnisation cesse. Cet effet est moins puissant pour les salariés des quartiles supérieur, mais il reste toujours très significatif, avec une probabilité de retrouver un emploi augmentant de 50% lorsque les indemnisations touchent à leur fin pour les salariés du premier quartile.
Pour revenir au Danemark et compléter la comparaison avec la France, mentionnons le dossier du magazine Time[17] consacré aux attitudes des européens envers le travail. Il cite l’exemple de Jensen, un jeune Danois qui, arrêtant les études à 17 ans, n’avait aucun projet et souhaitait simplement ne rien faire de sa vie. En France, un tel jeune est largement laissé à lui-même, n’a quasiment aucun compte à rendre, et touche inconditionnellement de généreuses allocations. C’est différent au Danemark. Jensen a été obligé d’assister à des formations et à des séminaires d’orientation professionnelle ; il devait également travailler en tant que jardinier ou agent d’entretien pour le compte de la municipalité. En cas d’absence, il ne touchait plus aucune allocation. Jensen a désormais trouvé un emploi à temps plein, mais surtout sa mentalité a radicalement changé : il jure ne plus jamais être inactif, et affirme que trouver un emploi a énormément amélioré sa vie. Tout simplement parce que le gouvernement danois mène la vie dure aux chômeurs, tout en leur donnant l’envie et les moyens de travailler. Résultat : le Danemark connaît un taux de chômage de seulement 4,9%, et un taux de chômage des 15-24 ans de 9,8% (contre plus de 25% pour la France). Au delà des aspects purement économiques, nul doute que le système danois renforce la cohésion sociale, ne laisse pas certains jeunes à eux-mêmes, et est moins susceptible de générer le type d’émeutes qui ont embrasé la France en automne 2005.
Cela suggère une explication culturelle du chômage de masse européen après 1975 : la généralisation des mécanismes d'assurance chômage et autres manifestations de l'Etat Providence (ou welfare state) auraient progressivement affecté l'"éthique du travail" (ou work ethic). Les données montrent en effet qu'il est devenu peu à peu acceptable de ne pas travailler. Sachant qu'ils seraient protégés par l'assurance chômage et une pléthore de minima sociaux, les parents n'auraient pas élevé leurs enfants de façon à leur donner une forte éthique du travail. Un résumé du papier qui présente cette hypothèse culturelle se trouve ici : http://cep.lse.ac.uk/pubs/download/cp294.pdf 
* * *
Il est pertinent de conclure avec la typologie de Maurice Allais[18], notre prix Nobel d’économie. Il utilise deux taux de référence : le taux de chômage au sens du BIT et le « taux de sous-emploi » qui comprend le traitement social du chômage, que nous décrivons dans la fiche sur Le chômage. C’est ce taux qui lui sert de référence. Le taux de sous-emploi s’élevait en 1999 à environ 22% de la population active, touchant 6,2 millions de personnes.
Il distingue cinq causes de sous-emploi : le chômage conjoncturel, le chômage technologique, le chômage mondialiste, le chômage lié à l’immigration, le chômage chronique. Le premier est largement incontrôlable, les second et troisième sont la contrepartie de bienfaits, le quatrième est avant tout lié à la politique d’immigration. Ce sera donc sur le chômage chronique que porteront avant tout les politiques publiques.
Le chômage conjoncturel peut être approximé par l’écart éventuel entre le taux de chômage d’une année et son niveau de long terme.
Le chômage technologique peut être approximé en référence à la variation annuelle en valeur absolue de la population active dans les différents secteurs d’activité. Maurice Allais l’avait longuement étudié et évalué à environ 2% de la population active dans la période 1955-74. Il l’évalue à 1,6% en moyenne dans la période 1974-94.
Le chômage mondialiste, un chômage d’ajustement de même forme que le chômage technologique. Le développement des rapports commerciaux aurait augmenté sa magnitude.
Le chômage lié à l’immigration est très difficile à évaluer en raison de l’absence de données suffisamment précises sur le sujet. Maurice Allais conserve en 1999 son estimation de 1993 qui attribue à l’immigration la responsabilité de 17% du sous-emploi total.[19] Voir notre article sur L’immigration pour plus de détails.
Le chômage chronique résulte de trois facteurs :
 - Des minima de salaires trop élevés par rapport à la productivité du travail[20], ce qui condamne une partie de la population active au chômage et est donc contraire à l’intérêt des travailleurs dans leur ensemble - voir notre article sur le SMIC.
 - Des charges salariales excessives - voir notre article sur les prélèvements obligatoires ;
 - Des allocations chômage excessives qui entraînent un chômage volontaire.
Ce chômage s’est massivement développé en France. Il constitue le bloc majeur que les politiques économiques devraient attaquer. En témoigne un papier empirique de deux chercheurs de l’INSEE,[21] qui constatent que le salaire minimum et les allocations chômage expliquent une large partie du chômage français. Une vérité que les politiques ont du mal à entendre...
Bruno Lannes, Pierre Pâris

Pour en savoir plus :
Editeurs : Pierre Pâris, Bruno Lannes, Pierre Chaigneau.

[1] Le Nouvel Observateur, 6-14 avril 2006.
[2] Source : INSEE, chiffre pour 2004.
[3] Source : Rapport de Pierre Cahuc, Francis Kramarz, 2004.
[4] Daniel Dewavrin, Président de l’Union des Industries Métallurgiques et Minières et du Groupement des Fédérations Industrielles, dans Les Echos du 25 mai 2001.
[5] Économiste et philosophe français (1801-1850).
[6] Société Civile No 50, septembre 2005
[7] Daniel Cohen et Pascaline Dupas, Trajectoires comparées des chômeurs en France et aux Etats-Unis,Economie et Statistique, 2000.
[8] The Economist, 2 avril 2005.
[9] Le tax misery index, décrit dans la fiche sur Les prélèvements obligatoires, est une mesure synthétique de la pression fiscale dans un pays. Les pays inclus sur le graphique sont : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Corée du Sud, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Irlande, Italie, Japon, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède.
[10] Le R2 est 49,5%. La variable difficulté à licencier a un coefficient de 0,01, et la variable pression fiscale sur les travailleurs un coefficient de 0,1.
[11] Time, 3 octobre 2005.
[12] Selon le Rapport Attali, ou Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, 2008, p.9.
[13] En outre, un système redistributif d’une telle ampleur attire les fraudeurs. Selon L’Express du 06/04/2006, l’Unedic admettait que 336 millions d’euros d’allocations chômage ont été indûment versées en 2004.
[14] Calculé par l’OCDE pour quatre types de famille et deux niveaux de revenus sans aide sociale, en pourcentage, en 2002.
[15] Voir notamment le rapport de Pierre Cahuc et Francis Kramarz, 2004.
[16] Source : le graphique est issu du rapport de Pierre Cahuc et Francis Kramarz, 2004. Il illustre les résultats de l’article de recherche L’effet de l’allocation unique dégressive sur la reprise d’emploi, par Brigitte Dormont, Denis Fougère, Ana Prieto, 2001.
[17] Time, 3 octobre 2005
[18] Maurice Allais « La Mondialisation, la destruction de la croissance, la destruction des emplois, l’évidence empirique », 1999.
[19] Maurice Allais rappelle que l’immigration de masse des années 1960 (première vague) a eu comme résultat de déprimer artificiellement les salaires des travaux les plus pénibles, du fait de l’abondance de travailleurs peu qualifiés.
[20] La première étude de Maurice Allais sur cette source de chômage remonte à 1943.
[21] Guy Laroque et Bernard Salanié, 2002, Labour market institutions and employment in France, Journal of Applied Econometrics, Vol.17.
 
 
   



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