"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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mercredi 7 mars 2007

ANGLES MORTS (POEMES 1983-2000).


POEMES DE CLERMONT

I

Au Nord et Ségolène



Dans la classe où l'on se tient toujours

toujours il y a le soleil dans ses cheveux, un labour

d’or , il est rassurant comme une pierre

dans l’eau du torrent, plus au Sud, un parcours

loin de Fitz, Creil et Montataire, l’étrange été

que nous oubliions nos repères

tandis qu’un peu partout la guerre

s’amusait à nous épargner.


Clotilde, Eric et Vincent écrivaient

Le bras courbé sous les paupières,

Des enfants comme il y en a un peu partout sur la terre

Sans compter ce sourire un peu flou

Ségolène,

Un trèfle d’ombre près du cou

La bouche, lame et les yeux doux

Tandis que claque le rideau, notre spinnaker

Sa robe,on dirait de satin clair

La taille ancienne, de satin clair, on le rêvait.


La terre est chaude

En plein midi de l’hiver

Là-bas, les jardins veillent au flanc des hunes collinaires.

Sous les arbres, des gosses égarés se terrent

Espérant, espérant encore

Que le vent dispersera

Les feuilles noires des patriarches.


Et Ségolène se déplie sur les marches

Elle confond sa chair et l’espace

Et cet espace s’ouvre, on dirait un fleuve à son écluse

Tandis que tourne, tourne Ségolène dans la cour

prairie occluse

où gypsent les ados, droits déjà ce sillon des visages

et je souris à Ségolène

et Ségolène me sourit, nous en sommes à la même page

d’un texte saint et maudit

qui confond la chair et l’espace

en plein midi.


Autour de nous traînent nos rôles

c’est drôle

de n’être soudain que baisers,

et ces paroles du travail, phonie que mon cœur détourne

en aparte.


Dans la cour où l’on se tient toujours

Toujours il y a le soleil, et cet amour.

Il est rassurant comme une pierre

Loin de Fitz, Creil et Montataire.


Il y a près du rideau noir, notre misaine

Une fillette, j’ai dit Ségolène.

Droite, on la croirait taillée dans le bois, un totem

D’or, quand le soleil prend la joue

de Ségolène.








II


LES FIANCES.


A P.L.

Des jonquilles ou peut-être des cyclamens

comme en cueillir au dessus des rivages,

vous habitiez cette maison à étage

noire et lisse, mon adorable quarantaine.


Vous hantiez aussi mes pensées inconstantes,

vertes et blanches, en contrebas du portique

on dirait que le temps est suspendu sur les pentes,

où se rejoindre est une épreuve pathétique.


Bourguignonne et vous riiez en parlant des vins lourds,

robe à peine levée sous le pointillé du corps, une alerte,

nous restions là, murés ou sentinelles sans le vouloir qui désertent

pour un temps, car les mirages aussi sont des discours.


Vôtre, tienne ? Je rêvais d’une chambre, le linge est rangé dans

l'armoire,

le lit est fait, un drap marqué, des initiales, et plus loin et plus tard

peut-être, à l’oreiller blanc votre empreinte, puis la nôtre, vous

aviez peur

et j’avais peur, et puis tu m’as montré ces poupées brunes à contre

coeur.


Parfois je vous suis des yeux, étrangement vous êtes sur la terre

et au dessus d’elle,

souvent je dis votre nom à voix basse, vous m’en devenez chair

vous, citadelle

vous, navire, étrangement debout devant notre océan, cette plaine.

Plus loin il y a les souvenirs de pierre des combats

des citadelles, et je rêve de mettre mon pas dans vos pas…


Des jonquilles ou peut-être des cyclamens

comme en cueillir au dessus des rivages,

vous habitiez cette maison à étage

noire et lisse,ô ma précieuse lointaine.





Peintures:
-CASORATI; "Jeune fille jouant sur un tapis rouge".
-LEONARD DE VINCI; "La dame à l'hermine".




III

Loin de Clermont


C’était loin de Clermont

les ballasts donnaient à entendre l’imminence du retour,

nuit enfin où se lisait dans mes mains blanches un livre d’amour,

derrière la vitre un ciel lourd sur des monts.


Car le ciel de nuit ou ce qui sera la nuit est sans nuages,

sauf des salves grises, là-bas, bruits du bar corail,

mais ne n’est pas le ciel, vous direz,

comme vous direz qu’un voyage vaut un autre voyage-

« Vous connaissez Hendaye ? »-

je n’ai rien su lui dire de moi mais son sourire en levant la main-

« Jorris, V.R.P. »

car les amis de la nuit et ce qu’était la nuit et l’amitié sont un mirage.


Vous disiez que la bière ici ne vaut pas celle de là-bas,

tandis que passaient maintenant des enfants, mais vous savez, qu’un sommeil a blessés,

leur main tient une main baguée qui tangue, nous sommes au cœur des triages

Et vous disiez, c’est idiot entre hommes cette question du vivre et le métier et l’âge,

parfois nous nous taisions et il y avait des lumières sur les toits

ou une ombre d’homme que découpait notre jet sur la terre, vôtre verre a vibré.

Vous disiez que votre femme ici valait aussi celles de là-bas

mais c’était déjà loin dans notre parler, un peu au dessus de la ville,

un peu dans une amitié.


Le train a ralenti entre deux falaises humaines,

Comme un coureur tisse son souffle il a jeté bas ses fournaises inodores,

Maintenant la lumière décline, votre verre tombe mais tout est indolore,

sur le quai vous ne saviez que redire votre nom,

je vous ai souri et maintenant nous marchons

sous des barres noires qui mènent à des sunlights,

Joris…


C’était loin de Clermont, le train meurt et repart sous le regard des agents,

alors, remaquillé de brume il est pour d’autres hommes un autre goéland.


C’était loin de Clermont,

et dans mes yeux, tous les ciels lourds et ces réponds

des ballasts comme une Annonciation,

nuit enfin où se fermait dans mes mains blanches un livre d’amour.





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ORIENTATIONS I





Si tu cherches ta route,

ne regardes dans les yeux

que ceux qui ont un regard.

Si tu trouves un regard,

tu peux baisser les yeux :

tu as trouvé ta route.







ORIENTATIONS II






Oh ! ce que j’ai fais de ma vie,

rien d’autre que de regarder le monde

dans les yeux,

enfant cherchant dans les crinières

du vent et de plus hautes étoiles

un ordre flou, loin des saisons hauturières ;

oui je dessine ma vie comme

on caresse la joue des torrents.












Orientations III




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Comment se tenir entre l’indigénisme et l’indifférence ?

Etre leur Segalen, leur Lawrence et je devine en eux déjà une émotion de

trahison

plus magnifique que la haine et c’est la haine

que leurs yeux noirs nous renvoient quand nous désirons

au dessus d’eux, c’est-à-dire contre eux les déserts et

la lune dans les fleuves en sueur qui mènent à des

villes blanches où nous excisons leur âme avec des

impressions d’Occident.





Orientations IV





AU BORD DU CIEL



Portage : porteuses aux bandeaux.

Enfants : cheveux noirs, linges rouges,

robes anciennes et boueuses.

La route de crête.

La plate-forme où nous dormions au village

Karen.

Sim accroupi au bord du chemin avec

son sourire et sa machette.

Les porteurs assis en rond un peu

à l’écart de nous.

La route-torrent.

Les couples de papillons.

Le buffle noir dans la sentine rouge.

Le petit pavillon au bord de la rizière.

L’orage en avalanche avançant vers nous de

gorges en gorges.

Les eaux.

Portage : porteurs sans un mot.

Femmes : robes de fer et d’argent

et les hommes portent les enfants.









ORIENTATIONS V




A L’OUEST RIEN DE NOUVEAU.



Oh vous les grands oiseaux de mer

à moi !

et vous les grands animaux des jungles bleues

les derniers, qu’avant le Grand désunir vous me léguiez

votre violence comme un sampan

sur la mer de Chine, la lumière lointaine,

quand je ne serai plus rien d’autre que mes rêves désincarnés

mais je voudrais naître encore

et dessiner encore des bricks-goélettes sur des cahiers d’écolier.


Mais j’habite à Paris place d’Italie,

tous les matins les gens s’affairent pour ne pas s’entre-tuer,

dans les cafés tu n’entends plus le son de la cuillère dans ta tasse

çà choucroute des clips au dessus des poivrots, les derniers.


Oh vous les marchands d’Alep les vieux très blancs contre le bleu des arcades

-Ramzi essayait mes ray-ban, on attendait des voyageurs-

au milieu de la cour aux ablutions j’étais assis en tailleur,

Oh vous la liquide la blonde et dorée ma grande mosquée des Omeyyades !


Et rouler, rouler, dérouler la tresse brune de la route jusqu’au Krack

où des enfants aux yeux très noirs gardent en riant la mémoire de Soliman,

ma soif est mauve quand nous atteignons les longs faubourgs de Jerash

un soir j’ai marché sans fin dans Damas du Barada au vieux Maristan,

mais toujours en boucles de sueur je revenais à la petite gare du Hedjaz

salut Lawrence sans voiles et qui m’attend mon vieux complice foudroyé

ta tombe à Moreton ressemble à celles des enfants dans les cimetières de banlieue

étroite et qui fut blanche, de cette blancheur noire qu’on ne voit qu’à l’Orient

du monde, je me revois jeune homme un peu fertile apprenant la physique des lieux

ces ailleurs qui me fondent en pointillés dans l’ombre et tous les poudroiements,

sur le plateau du Hauran j’ai vu Dieu pisser son sang et des incertitudes guerrières.


Oh vous les gosses sales, magnifiques d’ordre et vos crinières

laissez moi caresser le son rugueux de vos esquisses

au loin des femmes comme des mirages tremblent et puis se glissent

sous des tentes de sable près des marches princières.


Comment dit-on « je t’aime » en araméen ?


Me voici séparé pour longtemps des réponses indiennes

partout des sons aveugles et des écrans sourds

crachant de loin en loin des nouvelles connues,

rien à attendre de nos Juifs ils ont perdu

la Terre Promise en tarifant le Yom Kippour

et des yeux sans regards et des voix sans haleine

partout des vies prévues et des rêves balourds

et la jeunesse en laisse laisse le monde aller

ses chemins de disgrâce et fléchir la beauté

oui, j’habite la France à l’Occident de tout,

rien de nouveau à l’Ouest sauf l’import-export,

à ne voir l’univers qu’en kit et « à prix doux »

comment pourrions-nous être le voyage des morts ?


Comment dit-on « je t’aime » en nabatéen ?






Damas.

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LES CHAPELLES IMPARFAITES;









I

Etablis aux amers.



Pour Antonin.





Regardes, voici les rochers noirs

Coupants, terribles- tu y sautais paumes ouvertes-

Regardes, ils sont aussi la mer

Des blessures profondes comme les creux profonds des océans,

Aux seuls enfants nés d’un immense silence de paroles transmissibles,

Tu leur prends la main ils t’accompagneront dans tous les ports,

Les lointains,

Regardes les lumières, puissions-nous toujours avancer dans l’espace,

Là-bas,

Etonnes-toi du monde par nous advenu et par nous seuls,

Il n’est d’éternité que celle de nos songes et s’il fait froid,

Je te réchaufferai et nous lirons le soir dans une chambre haute

De très beaux livres.


Anvers ouvrait à l’aube les rails des premiers trams

Contre le tissu lourd de l’Escaut,

Dors Juju, dors profond derrière la herse fragile de ma nuque

Je t’emmènes,

Plus tard nous prendrons les ferries rouges des îles méridiennes,

Les poings serrés dans ton blouson je te regarderai courir sur les quais,

Je te regarderai et nous nous sourirons songeant au temps qui reste

Et de grands oiseaux passent frôlant de l’aile les rouilles maritimes.


Expatrié de mes fantômes, oh ! la pureté dans le goéland de tes doigts,

Hambourg simple escale mais planter tes yeux noirs

Sur l’emblème des grues dormantes, les ressacs d’huile,

La difficulté métallique des appareillages ;

Nous reprendrons la route vers Lübeck- que reste-t-il de la Hanse ?-

Quand, émerveillés, nous rejoindrons la Baltique- le mot, la mer-

Je te dissimulerai mon désir et ma peur des frontières en armes comme

Des terres promises,

La sévérité épuisée des douaniers galonnés de souvenirs rances, plus loin

La Russie dormirait dans son grand couffin de mirages

Et s’il me faut alors pour tuer du temps des femmes, ces passantes-passeurs,

Tu t’éloigneras un peu, jonglant de quelques pierres blondes

Sur de très courtes plages en amont des tours.


Car je t’aurai légué des châtellenies des seigneurs des Moyen-âge et

Tous les pont-levis d’or, dors

Si près, si loin des beaux combats les bestiaires lances et hauberts tout

Encapuchonnés de brume,

Un peu avant Gand on pressent des cavaliers plus ou moins imaginaires,

Plus tard dans la nuit les camions glisseront en ordre de bataille,

Oh ! ces autres chevaleries derrière l’armure givreuse des pare-mort,

Voles, voles mon Juju rien ne vaut davantage que de voler et de voler

Encore, et ton éveil derrière la chapelle de mes épaules et

Pour nous nulle épreuve hormis la voile qu’on abat.


Dans les petites villes les enfants nous regardent, cette pauvreté tassée

Entre le métal froid du trottoir et de vieilles écharpes, vois la planète

De leurs regards et

Par quels signes,

Incrédules,

Nous signifions-nous la fraternité, la gêne, toi les yeux grands ouverts,

Maintenant je roule très lentement entre des collines, tu m’interroges et

Il y a plus ou moins toujours des montagnes, un mystère de loups

Et très haut dans le ciel des avions conquérants,

Des tours surplombant les fleuves, toutes les traces, les calcaires, les

Meulières coupantes des traces ou leur émoussement, l’ordre approximatif

Des vestiges, les palais et au plus haut point des plus hautes villes

Ces chapelles, oh !, les traces, les traces d’avant !


Mais rien n’est plus puissant ni plus doux qu’un rivage

Et livrer bras tendus notre pain de passage

A l’attente des grands oiseaux établis aux amers

Voyager à l’enfant c’est toujours aboutir à la mer.


Rien de plus beau si ce n’est le système des forêts

Le gypse de la peur, les épées de soleil puis cet exil bleu des clairières

Dans le frôlement des bêtes imaginaires,

Le calcul tremblé des grands itinéraires, la cueillette et la fabrique des

Bâtons, noisetiers, l’usage écrit du lance-pierres, survivre ici, Robin de

Huxley, Lancelot, Ivanhoë, Merlin dans l’haleine brune des humus,

L’émerveillement des trouées offrant l’enmoussement des douves,

L’adoubement des averses, l’ordonnancement fébrile des tanières et

Ces voûtes de chênes comme des carotides millénaires.


Repartir, sa préparation, sa part de folie,

Choisir le Sud en rêvant à des Nords,

Glisser ainsi de ville en ville, de plaine en plaine sous les yeux la

Fatigue lépreuse et des soifs mesurées,

La nuit des jours, la lumière de grottes et l’aube des grands cargos

Les mines, des pontons, tout ce langage d’être

T’ai-je appris à passer la disgrâce des ruines ?


Voyager à l’enfant c’est toujours aboutir à la mer

Car rien n’est plus puissant ni plus doux qu’un rivage

Et livrer bras tendus notre pain de passage

A l’attente des grands oiseaux établis aux amers.


On roulait vers le Nord

Un jour nous irons en Norvège

Je me souviendrai des grands avenues glacées de Thessalonique et

Cette photo où tu regardes fixement des souvenirs de souvenirs de

Montagnes, toujours en deçà de ta faim,

Ces mauvaises cartes postales de Salonique, tout ce qui reste d’un

Rêve de rêve de ville

Ah ! ces rêves précis, ces immensités, toujours, quand nous quittions

Des villes,

Ah ! quitter, et puis revenir, longtemps après, sans bien savoir laquelle

De tes compagnes s’efforçait de suivre ton texte, tes lignes de fuite, lequel de tes

Enfants refusait d’avancer (quelle poussette avions-nous oublié ?) ,

Demandait à boire, effrayait des oiseaux,

A moins que la ville de tout temps n’ait été que pour toi seul, sans même le

Chant d’une femme, ou dans le simple appareil du souvenir d’un chant

Et chercher follement

Quel négociant tu aurais pu être, ou musicien des rues ou soldat,

Ce que tu fus sans doute dans les paragraphes du Temps,

Mercenaire dans la peur d’un peuple oublié,

Ferblantier perclus de dettes rivé à des commandes princières,

Caravanier nu écrivant son désert sur la partition de ses tentes,

Vagabond dormant le long des fleuves sonores ou

Femme, qui sait, enfantant des croyances drapées

Ou quelque grand seigneur déclassé par l’Histoire,

Enfant partout autour du monde avec au bout des doigts

Toujours ces pétales de tissu et des insectes morts ou

Paysan sur des terres étrangères,

Marin perdu léguant aux putes des royaumes déchirés

Ah ! les mains des hommes contre le bleu du ciel

Dans la fausse géométrie des citadelles

Je me souviens de ce soldat syrien

A qui j’ai appris, honteux, le nom de Saladin

Il y a des peuples comme ça à qui on a ravi jusqu’à la connaissance

Même de leur gloire,

Mais comment restituer sans trahir ou condescendre et

Un cheval noir galopait dans les fossés du Krack

Et le système de l’eau et la beauté des oasis, connaissance intime

Du Vivre

Mais nous repartions toujours

Juju, quand tu iras à ton tour à Damas,

Dis-leur que tu es le fils de

Celui qui pleurait le soir en écoutant la houle des grands khans

Dis-leur

Que j’aurais tant aimé préciser mon amour

Dans la langue d’Ibn Battuta

Et lis un jour, sur tes routes, les vers d’Omar Khayam








































II


Debriefing


Je me suis imposé un travail d’exil

peu lointain mais très théâtral

qu’y-a-t’il en moi de vrai si ce n’est

le crucifix de l’abandon le déploiement des reconnaissances

mais j’aime aussi l’appareillage des mouettes le lent éloignement des cales

Dover le soir noire et blanche une idée de seconde patrie

mais ma mère m’attend avec ses banderilles

quelle idée aussi de vouloir toucher le ventre des petites filles !


Enfermez-moi je suis un enfant pervers,

enfermez-moi au plus haut d’une tour

d’où je verrai partir des voyageurs sourds,

enfermez-moi je suis un serial lover.


Je crève à petit feu

d’avoir au fond des yeux

cet « Hugo tenant de son exil

des enfants de cinq ans travaillant dans les mines »

et de savoir depuis peu

qu’on peut jouer à être lépreux

regard noyé regardant vers les côtes des France

mais la barbe est taillée et la pause très dense

vieil Hugo beau sponsor de toutes les enfances

il aurait fallu ne pas visiter Hauteville House

ta cuisine nickel taguée de grands « H » tranquilles

garder Cosette et Jean Valjean sans tes histoires de fesses

mais les grands hommes n’ont pas de très belles faiblesses.


Me voici de nouveau dans l’obscurité du dehors

trahi sans traîtrise et traître sans trahison

Dover s’éloigne je ne suis ni Hugo ni Gavroche

et bien sûr pas du tout Guillaume le Conquérant

qui fit bâtir cette tour à Rougemont Castle

ni dans la ronde de ceux qui, très habillés,

sont reconnus et vont du pas des maîtres

écouter l’office de seize heures à la cathédrale

bohémien sans Bohême et nomade sans caravane

cavalier sans cheval et marin sans la mer

présumé coupable me voici en désordre de bataille

marcheur démarchant l’amour et qui s’encanaille

de loin en loin comme d’un chemin de croix

avec des putains de moins en moins solitaires

à Anvers j’hésite entre l’Escaut et le quartier des filles

taches noires derrière les rideaux des petites maisons blanches

tout est toujours derrière la gare

les animaux jugés et ces confins des villes où dorment

des hommes en terminance dans cet autre exil

ceux là qui mangent de mauvaises choses

les petites gens dont l’histoire m’est chère et insupportable oui

tout ce qui m’est chair est toujours derrière quelque chose et

je crève à petit feu

d’avoir au fond des yeux

ces déploiements ces oriflammes

alors j’ai demandé aux femmes

de nous tenir par les yeux

et ta main, là, dans mes cheveux.


Vivre est un bien étrange navire

Moi qui suis si peu capitaine

Celle là et bien qu’elle advienne

A tout prendre il vaut mieux en rire.

























PETITES ESQUISSES A LA MODE ORIENTALE

« Le premier habit de mon enfant

est une petite terreur ».

ISSA




L’arbre me fait signe

de l’indifférence des mouettes

filant par-dessus notre toit.










Nous tenons la main des enfants très longtemps

donner la main est une image

ils s’échappent ou jouent à s’échapper

puis reviennent d’une certaine façon se blottir

la plupart du temps nous faisons notre travail, nous les rabrouons,

mais c’est aussi pour ne pas trop nous avouer le désir de les garder.










Les anoraks de mauvaise qualité ne sont pas seulement

le signe de la pauvreté mais aussi et surtout celui de la

tristesse les gosses laissés en portent toujours de trop petits

ou de trop grands et ils ont toujours froid rentrant la tête

dans les épaules et enfonçant profondément leurs mains

dans les poches trop étroites mal foutues derrière eux

il y a toujours des petites filles très soignées et des immeubles

H.L.M. des marchés couverts et des voix cristallines.










Que celui qui, croyant régner sur la terre,

ne trouve aux escales que des ruines,

ne pouvant établir autour d’elles que des songes,

fasse légèrement profession de silence et de paraboles,

s’isolant chaque jour un peu plus des hommes à

mesure de ses visions brusques et brèves ;

celui-là pour toujours venu d’une très courte histoire

approximative puisse-t-il différer le jour de toutes les morts

puisqu’autant, établi dans son corps affublé de grelots sales,

il ne fait que dispenser à quelques-uns son amour,

la ténébreuse perdition.










Les feuillages des arbres faseyent

comme des voiles déventées

notre bateau de granit ne parvient plus à

prendre la mer

attentif à sa durée physique

l’équipage oublie la grande insomnie de la mer

et notre maison immobile me fait penser

à ces cales de radoub où meurent les grands cargos.










Prends une plume

écris un oiseau, puis le dessines

rencontres l’oiseleur

puis cherches en feuillages ses oiseaux

puis reviens et chantes et accompagnes des yeux

au dessus des collines les liserés de l’envol

puis refermes le livre

et t’endors.








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