"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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mercredi 4 décembre 2013

TRANSPARENCES.







Je souhaite à François Hollande, en totale sincérité, une vie paisible et heureuse. L'ordre du combat politique n'est pas celui de la fraternité humaine. Je concède aisément que la tendance contemporaine aux intrusions intimes me déplaît. Toutefois, l'information (j'hésite à user de guillemets, mais bon) d'une opération subie par le Président de la république quelque temps avant son entrée en campagne, amène quelques commentaires:

-Je suis étonné que le Premier Ministre, interrogé sur le sujet, proteste de ce qu'il nomme un "acharnement" et devrait demeurer de l'ordre de l'intimité. D'abord du fait que pendant les cinq années de la présidence de Nicolas Sarkozy, nous assistâmes, de la part des gauches, à un torrent d'invectives injurieuses, en particulier sur le physique de l'ancien Président, ses amours, ses montres et j'en passe...Ensuite, parce-que visiblement - mais classiquement- à gauche, la "transparence" doit s'appliquer partout, sauf...à gauche, où, au nom d'un étrange régime d’exterritorialité morale, on s'autorise une opacité dans ladite "transparence". Par ailleurs, il est intéressant de noter que si les socialistes sont les premiers à réclamer des média "toute la vérité sur tout",  la liberté de la presse, qui en découle mécaniquement, constitue, soudain, un acharnement, quand elle touche à des personnalités de gauche!

-D'une manière générale, je suis désolé de proposer l'idée que, quand une famille politique estime, depuis des décennies, détenir la Vérité, l'Ethique, bref, le Bien, il est normal qu'on puisse attendre d'elle plus de vertu qu'on en exigera de ceux qui assument davantage leur part d'ombre. Quant on s'érige en professeur de morale, il est normal qu'on en assumât à fond le très exigeant magister.

-Enfin, historiquement, je note que les premières réactions télévisuelles aux ennuis prostatiques de François Hollande, et pour en justifier l'intérêt en quelque sorte politique, invoquent le précédent de Georges Pompidou, mort en fonction des suites d'une grave maladie tenue secrète. Or, c'est à un autre précédent qu'il faut impérativement se reporter, d'autant plus que celui-là s'avère parallèlement prostatique: je veux parler du cancer de la prostate de François Mitterrand, révélé, par la forces des choses, à la fin de son second mandat, alors qu'on apprit, après la mort de l'ancien président socialiste, qu'il en avait reçu diagnostic dès le début du premier, en 1981.

-Il ne me semble alors pas irrecevable qu'on s'inquiétât de déboires physiologiquement parallèles - qui, si du moins en en croit les déclarations officielles, s'avèrent quant à eux fort heureusement bénins - d'un président lequel, de plus, avait promis sur le sujet de sa santé une "transparence" totale, tout en omettant de mentionner, dans son "bilan" d'entrée en fonction, l'opération dont il est question aujourd'hui.
Le sujet en tout cas ne s'avère pas torturant au point de défrayer longtemps la chronique.

En revanche, et à propos de Torture, le quotidien "le Monde", dont on connaît son combat en pointe dans la dénonciation des séquelles du colonialisme, revient, avec force rappels éditoriaux, sur la personnalité du général Aussaresses, ancien coordonnateur des services de renseignement à Alger entre 1955 et 1957, décédé aujourd'hui. Cet ancien résistant de la France Libre - je suppose que la gauche aura regretté qu'il ne participât pas d'une biographie plus vichyste et donc conforme à l'idée que l'on se fait à gauche du salaud-type - avait avoué sans fards, sur les plateaux de télévision comme dans son livre, "Services spéciaux, Algérie, 1955-1957", sa pratique de la torture et des exécutions sommaires. Je n'ouvrirai pas le débat éthique sur la pratique de la torture, ni me n'interrogerai plus avant sur les raisons qui, précisément ces temps-ci, amène "Le Monde" à couvrir en détail la mort d'un homme que le journal vomissait, me contentant des faits et, n'en déplaise à la gauche, les faits, en deça des réécritures idéologiques, sont têtus:

- Quand on parle des tortures pratiquées par l'armée française, il serait bon qu'on évoque celles pratiquées par le FLN, et quand on va jusqu'à évoquer un "véritable génocide", il serait pour le moins équitable de parler de l'extermination des harkis. Enfin, quand l'Etat algérien remet régulièrement le sujet sur le métier, on souhaiterait qu'il balayât devant sa porte, nullement victimaire et innocente, et acceptât, par exemple, d'évoquer les "années de plomb" 1980-1990, au cours desquelles la sécurité militaire algérienne pratiqua des dizaines de milliers d'assassinats, régulièrement mis sur le compte du Front Islamique du Salut. Quant au Président inamovible Bouteflika, je m'étonne toujours qu'il vienne régulièrement se faire soigner...dans un pays de "tortionnaires".

-Surtout, et voilà qui nous ramène aux "transparences" socialistes, je rappelle qu'entre 1955 et 1958, soit en gros les années d'activité d'Aussaresses à Alger, la France est dirigée par un gouvernement socialiste présidé par Guy Mollet. C'est l'époque où, aux yeux du leader de la SFIO et à ceux de son Ministre de l'Intérieur François Mitterrand, "L'Algérie, c'est la France". De fait, en 1956, Guy Mollet se fait voter les pleins pouvoirs par l'Assemblée Nationale pour mener, en Algérie, une "opération de maintient de l'ordre". Ces pleins pouvoirs seront votés par les députés communistes. Or, l'usage de la torture n'est pas décidé par quelques militaires sadiques, même s'il y a pu y en avoir comme dans toute organisation humaine: ils sont, oralement bien sûr, recommandés par le pouvoir politique. De 1954, début de l'affaire algérienne, jusqu'en mai 1958, date à laquelle le général de Gaulle revient aux affaires, cette guerre, et les moyens brutaux dont elle a pu user, relève de l'autorité d'un gouvernement de gauche. Or, par une étrange transmutation alchimique rétroactive, ladite gauche, convertie à l'anticolonialisme à la fin des années 1960 (autour de 1968 et de la mobilisation contre "l’impérialisme américain au Vietnam"), réécrit l'histoire en s'inventant un anticolonialisme de toujours (!), attachant désormais l'idée de torture à celle de droite et d’extrême-droite, comme si la torture était apparue, du jour au lendemain, le 14 mai 1958, ou dans les fourgons de l'OAS!

 -Quant à Aussaresses, ce qu'on lui reproche, à cette échelle, n'est pas ce qu'il a fait, mais ce qu'il a dit et d'assumer, avec un certain courage d'ailleurs, des actes moralement condamnables mais politiquement commandés. Courage qui l'amène, il y a quelques années, à préciser à la journaliste qui l'interroge et s'étonne qu'il avoue avoir torturé lui-même dans son livre, tout en parlant à l'antenne du simple fait d'avoir "couvert" ses subordonnés: "Je n'ai pas torturé moi-même, mais j'ai couvert ceux de mes subordonnés qui l'on fait: c'est comme si je l'avais fait moi-même"! Cette manière, pour le meilleur, et  pour le pire, d'assumer les fonctions de commandement, alors qu'il aurait été aisé, soit de ne rien dire, soit de se défausser sur des sous-officiers ou des  soldats, relève, à mes yeux, d'un sens de l'honneur militaire poussé jusqu'à l'opprobre assumée. Le courage, ici, ne se mesure pas au contenu des propos, mais à leur profération qui, d'une certaine manière instaure, certes pour le pire, une véritable transparence...

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